« Bouge, salope! » cria Bill d'une voix stridente. Il poussa violemment une rousse de son chemin – elle avait failli attraper les lunettes de soleil Gucci que Bill convoitait depuis les avoir vu dans un magazine dans sa salle de gym, il y avait un mois de cela. Il les attrapa et gémit en les passant sur son nez. Quand il vit son reflet dans le miroir, paré de ces lunettes-descendant-tout-droit-des-mains-de-Dieu, le monde sembla se figer. Il n'avait plus conscience des cris ni des coups de griffes ou du claquement constant des talons sur le sol. La seule chose qui existait dans le monde de Bill était ces lunettes de soleil.
Tandis que le chaos des soldes semi-annuelle de Barney emplissait le magasin, Bill retira calmement les lunettes et vérifia le prix. Il siffla. Son portefeuille allait pleurer, même si le prix était à moins trente pourcent. Mais elles les valaient.
De plus, Bill trouvait que s'il y avait un jour où il pouvait se faire plaisir, c'était aujourd'hui – son anniversaire était aujourd'hui et c'était le jour qu'il attendait depuis des années. Il avait vingt-et-un ans, ce qui était, d'après lui, le meilleur âge que l'ont pouvait avoir.
Soupirant joyeusement, Bill alla se placer dans la file d'attente qui était affreusement proche de la porte. Tapant du talon de ses bottes DSQUARED, il attendait patiemment. Ce jour-là était le genre de jour qu'il adorait – nulle part où aller, personne à voir, juste Bill en tête à tête avec lui-même, faisant tout ce qu'il voulait. Ce qui consistait, la plupart du temps, à faire du shopping.
Il arriva à la caisse vingt minutes plus tard et ces lunettes de soleil furent siennes. Le seul point négatif était qu'il pleuvait à flot dehors, donc aucune excuse pour les porter. Mais Bill ne s'inquiétait pas trop; d'après le bulletin météo, la pluie devait s'arrêter d'ici lundi et il pourrait revêtir ses lunettes de soleil toutes les minutes de chaque jour.
Jusqu'à ce que Gucci dessine une nouvelle paire, en tout cas.
Il sortit et courut jusqu'à sa voiture afin que ses cheveux ne soient pas mouillés et était sur le chemin de sa maison quand il passa près d'une banque et se rappela qu'il devait déposer de l'argent. Son humeur s'améliorant à nouveau, Bill se gara dans le parking de la banque et farfouilla dans son sac à main (d'homme) jusqu'à trouver son chèque. Glissant ses lunettes sur le sommet de sa tête, juste pour dire que, Bill coupa le contact de la voiture, en sortit et s'engouffra dans la banque.
Aujourd'hui est une bonne journée, décida Bill. Pas seulement parce qu'il s'était acheté les lunettes comme cadeau d'anniversaire pour lui-même, mais aussi parce qu'il était sur le point de déposer un gros chèque de huit cent dollars sur son compte. Le chèque considérable venait d'un collecteur d'antiquité fou qui avait été ravi d'acheter de vielles coupes que Bill avait dénichées dans le placard de sa mère et qu'il avait mis en vente sur eBay.
Bill avait commencé à vendre les antiquités de sa mère il y avait de ça quelques mois. Elles couvraient son amour pour les vêtements de luxe beaucoup mieux que son boulot chez Barnes & Noble. Bordel, il avait acheté ces lunettes de soleil Gucci grâce à une vieille table basse qu'il avait vendu.
Tandis qu'il faisait la queue, le chèque en main, Bill se demandait ce qu'il allait vendre ensuite; la bassine taillée à la main du grenier ou le chandelier dans le fond du placard de Simone? Se grattant le nez, Bill était tellement perdu dans ses pensées qu'il n'entendit pas les exclamations effrayées autour de lui et il lui fallut un moment avant de réaliser qu'il y avait quelque chose de dur pointé entre ses deux épaules.
Bill se figea et tourna lentement la tête, le coeur battant très vite.
« Ceci est un hold-up » dit l'homme derrière lui d'une voix étrangement calme. « Tout le monde fait comme je dis et personne ne sera blessé. »
Bill se demanda s'il pouvait glisser le chèque dans son sous-vêtement – il était sûr qu'il serait en sécurité là-dedans.
« A présent, » le révolver contre son dos se retira et Bill couina avant de se retourner. Il fut estomaqué de voir que l'homme était un homme remarquablement beau et, encore mieux, habillé en Armani. S'il n'avait pas été en train de braquer une banque, Bill aurait adoré sortir dîner avec lui. « Tout le monde à terre. »
Bill s'accroupit lentement, serrant le chèque si fort que le papier se froissa. Ses yeux regardèrent partout autour de lui. Les gens faisaient exactement comme lui, s'accroupissaient et regardaient autour d'eux avec confusion. L'homme semblait être le seul à participer au braquage, ce qui était affreusement audacieux de sa part.
Un autre homme, un du calibre d'un joueur de football américain, s'en rendit compte aussi et se lança sur le braqueur. Bill regarda avec horreur le voleur le soulever sans difficulté par la gorge et l'envoyer valser comme s'il n'était qu'une poupée.
« Tout le monde est prêt à coopérer maintenant? » demanda-t-il, ayant l'air de s'ennuyer. Quand il fut accueillit par le silence, il sourit d'un air cruel, ses lèvres se retroussant par dessus ses dents. Les yeux de Bill s'écarquillèrent. Les canines du bandit étaient anormalement pointues aux bouts. Réellement effrayé depuis la première fois de l'après-midi, Bill glissa en arrière. « Mon prénom est Chakuza » continua plutôt aimablement l'homme. « Et vous êtes tous... au mauvais endroit au mauvais moment. » Son sourire devint faussement désolé. « Comme je l'ai dit plus tôt, personne ne sera blessé aujourd'hui. Bordel, vous n'avez même pas à me donner votre argent. Tout ce que je veux sont vos objets de valeur. » Personne ne bougea. Mais avec un simple « Tout de suite » grogné, tout le monde s'agita pour enlever montres, bagues, colliers et tout ce qui pouvait valoir un montant assez important d'argent.
Bill soupira de soulagement. Les seuls accessoires qu'il avait sur lui étaient des bagues bon marché qu'il enleva avec plaisir. Chazuka passait entre les gens, tendant un sac dans lequel les gens mettaient leurs objets. Personne n'osa faire autre chose que jeter ses biens dans le sac – ils avaient vu ce qui était arrivé à l'autre homme et ils avaient tous peur de la force de Chakuza.
Il s'arrêta devant Bill, qui fixait le bout de ses bottes. « Bien, bien, bien. N'es-tu pas joli? »
Bill leva sa main, faisant tomber ses bagues dans le sac et refusa de rencontrer les yeux de Chakuza.
« Et qu'est-ce qu'il y a sur ta tête? »
Clignant des yeux en signe de confusion, Bill leva enfin les yeux. Chakuza regardait attentivement ses lunettes de soleil et fit un geste vague avec ses mains. « Ca pourrait être utile, » murmura-t-il. « Particulièrement avec cette foutue lumière trop forte » Bill le fixa, remarquant pour la première fois que les yeux de Chakuza étaient injectés de sang, comme à vif. « Bien. Donne-les. »
« Pardon? » demanda Bill. Il s'éclaircit la gorge – la dernière fois qu'il avait parlé était à la salope de rousse qui avait essayé de prendre ses lunettes. Et le voilà à nouveau, parlant à quelqu'un d'autre qui voulait ses lunettes. Était-il si dur de comprendre que ces lunettes lui appartenaient, bon dieu?
« Tes lunettes de soleil. Donne-les moi » dit Chakuza, la voix imprégnée d'impatience. « Tout de suite. »
Bill rit nerveusement. « Euh... je ne sais pas. J'ai dû vendre la table basse de ma défunte mère pour elles – euh, c'est beaucoup moins scabreux que ça en a l'air mais, croyez-moi, je les aime vraiment beaucoup. »
La mâchoire de Chakuza trembla et il leva la main dans laquelle était le révolver. « Tu les aimes plus que ta propre vie? »
Totalement, faillit dire Bill. Il se stoppa à temps et préféra rester silencieux, sans pour autant donner les lunettes. C'était des Gucci, pour l'amour de Dieu! Il avait vaincu des hordes de femmes en talons aiguilles pour les avoir, la dernière paire de tout le magasin, probablement même de tout le pays et il serait damné s'il les donnait à ce clown qui n'en prendrait pas soin et qui ne les apprécierait pas à leur juste valeur.
« Je... je crois qu'il y a une autre paire chez Barney » mentit doucement Bill, hochant la tête vigoureusement. « Si vous y allez maintenant, passez à côté du rayon lingerie et vous pourrez- »
Chakuza poussa un grognement de colère et arma promptement le révolver avant de tirer sur Bill en plein dans le ventre. Bill écarquilla les yeux et poussa un minuscule halètement avant de tomber en arrière. Les lunettes de soleil tombèrent de sa tête et claquèrent au sol, le son faisant écho dans ses oreilles. Il posa une main tremblante sur son ventre, son sang chaud se déversant sur ses doigts et il eut un haut le coeur.
Chakuza tomba à genoux à côté de lui et Bill le fixa. S'il disait 'Oh non, je ne voulais pas faire ça!', il allait vraiment finir par vomir. Cependant, Chakuza gémit et souleva les mains de Bill, les amenant à sa bouche avant de les lécher. Bill poussa un cri strident quand il sentit ces dents pointues parcourir sa paume et l'autre homme grogna de façon obscène.
« Tu es vraiment un idiot. »
Chakuza se tourna et siffla. «Toi. »
« Oui, moi. » Le nouveau venu soupira, se grattant l'arrière de la tête. « T'en as pas marre de cette merde? C'est toujours la même putain de chose. »
Ses mots demeurèrent inentendus – ou alors, Chakuza s'en foutait juste complètement. Il retourna son attention vers les mains de Bill, ses yeux glissant sur le trou saignant abondamment dans le ventre de Bill.
Bill cria, ou du moins essaya, quand Chakuza commença à se pencher sur son corps.
Il fut néanmoins arrêté avant destination quand le nouveau venu l'agrippa et le lança en arrière avec la même facilité dont Chakuza avait fait preuve plus tôt ce jour-là. Il se stoppa, maintenant aux côtés de Bill et baissa les yeux sur l'homme plein de sang avec la même fascination que Bill avait vue dans les yeux de Chakuza. Bill poussa un gémissement pathétique et sans espoir et l'homme – un dreadlocké blond qui ressemblait plus à un criminel qu'à un héros, jeta un coup d'oeil dans la direction de Chakuza.
« Sérieux, ta stupidité ne cesse de m'impressionner. Tu es là, buvant le sang d'un gamin en publique. Tu veux que le monde entier apprenne notre existence? »
« Et alors? » siffla Chakuza, se léchant les lèvres. « Et pour le garçon... » Ses yeux retombèrent sur Bill. « J'ai vu la façon dont tu le regardais. Tu veux boire aussi, pas vrai, Tom? »
Bill poussa un autre bruit non identifiable, comme pour dire Excusez-moi, je suis genre en train de mourir par là et l'homme, Tom, le regarda, ses doigts tremblant nerveusement à côté de lui. Chakuza, profitant de la brève distraction, se jeta sur Tom si rapidement que Bill faillit le manquer. Dans un autre mouvement qui fut si rapide que tout ce que Bill vu fut un tournoiement de couleurs, Tom avait immobilisé Chakuza et le tenait par le cou. L'homme grogna, essayant de se libérer. Il était au sol, au même niveau que Bill, et ses yeux affamés rencontrèrent une fois de plus ceux de Bill avant que sa tête ne soit séparée de son cou.
Pleurnichant à présent, Bill essaya de s'éloigner tandis que Tom s'approchait et se mettait à genoux à côté de lui, passant doucement une main sur son visage. Il remarqua que Tom avait un magnifique visage et se demanda brièvement pourquoi tous ces psychopathes étaient si attirants.
« N'aies pas peur » lui dit doucement Tom. « Je vais te faire te sentir mieux. »
« Je ne veux pas mourir. Il y a tellement de choses que je n'ai pas acheté – comme oh, bon dieu, ah la ceinture DSQUARED? Je l'ai vu et ne l'ai pas achetée. A quoi je pensais putain? Peut-être que si j'étais resté là-bas pour l'acheter, je ne serais pas venu ici, et alors je ne serais pas, merde! Oh bon dieu, je n'ai jamais fait l'amour. Je viens juste de m'en rendre compte. Qu'est-ce qui cloche chez moi?! » Il ne s'arrêtait pas de parler et de, sans aucun doute, se rendre sérieusement ridicule.
Tom le regardait, les yeux rêveurs et il répéta, « Je vais te faire te sentir mieux. » Sa voix était incroyablement douce.
« Ça fait mal » chuchota Bill. Il siffla et grinça des dents en grognant. « Je pensais que mourir était facile. Où est cette putain de lumière blanche? »
Penché sur lui, Tom riait. Bill voulut lui dire Je suis content que ma souffrance t'amuse, sale fils de pute mais tout ce qu'il aurait pu dire fut coupé par la vue de Tom plongeant ses dents dans son propre poignet. Les dents semblèrent s'allonger devant les yeux de Bill – elles étaient même plus pointues que celles de Chakuza et encore plus terrifiantes. Du sang coula du poignet de Tom et il le pencha au dessus du ventre de Bill.
Bill n'avait aucune putain d'idée de ce qu'il se passait et n'eut pas la chance de le demander (ou plutôt de le grincer) car il s'évanouit.
**
Quand il se réveilla, la première chose qu'il vit fut un visage particulièrement beau et des yeux d'un chocolat foncé le fixant. Bill décida que oui, cela devait être le paradis. Il soupira joyeusement et laissa ses paupières se fermer à nouveau.
Un moment plus tard, il ouvrit un oeil et rencontra ces yeux couleur chocolat posés sur lui et sentit son visage rougir. Bill émergea et leva la tête. Tom était penché au dessus de lui, le regardant attentivement et il ne s'éloigna pas, même quand Bill s'assit complètement et s'éloigna en arrière. Ce fut à cet instant que Bill réalisa qu'il était nu, en dehors des draps fins reposant sur son bas ventre et ses jambes.
« Espèce de pervers! » cria-t-il, posant deux mains sur Tom pour le pousser en arrière. Tom ne bougea pas et Bill eut l'impression d'avoir tapé une pierre. Il tenta de ramener ses mains vers lui mais Tom attrapa ses poignets et passa son pouce à l'intérieur d'un, appuyant son doigt contre le pouls de Bill. Il avait ce même regard affamé et Bill haleta quand il rencontra ses yeux.
« Tu vas bien? » demanda Tom. Ce n'était pas que ses yeux, sa voix était aussi douce que du chocolat elle aussi et Bill se secoua, s'empêchant de regarder la bouche de Tom. Malgré ses efforts, ses yeux glissèrent sur les lèvres de Tom et il remarqua que Tom avait un piercing à la lèvre inférieure.
« Tu as eu... un accident » continua Tom.
« Oh, ouais! » haleta Bill, retirant enfin ses mains et soulevant les draps. Premièrement, oui, il était nu et deuxièmement, il n'y avait rien sur son ventre. Pas de cicatrice, pas de trou, pas de bandage, aucun signe qu'on lui avait tiré dessus. Il n'avait jamais été très attentif en cours de biologie, mais il était sûr qu'il était impossible qu'une blessure guérisse si vite. Ou alors...
« Combien de temps ai-je été inconscient? Quand étais-je à la banque? » demanda Bill.
« Cette après-midi. »
« Cette après-midi?! » Bill écarquilla les yeux. « C'est impossible putain! Est-ce qu'on m'a vraiment tiré dessus? Hé, attends, est-ce qu'on m'a tiré dans le ventre et j'ai survécu? Merde, c'est vraiment cool! Je vais devoir poster ça sur mon Twitter... »
Tom s'éclaircit la gorge. « T'es sûr que ça va? »
« Ouais, mais, euh... est-ce que tu vas m'expliquer ce qui s'est passé? »
« Et bien, tu es allé à la banque, t'aies fait tiré dessus et es revenu. Voilà où nous en sommes. » Tom sourit d'un air effronté.
« Conneries. Tu... toi et l'autre mec, vous avez tous les deux des dents très pointues. Et il était, » Bill s'arrêta, avalant difficilement sa salive, se sentant soudainement nauséeux. « Il buvait mon sang. Et toi! Tu... tu as arraché sa tête! » Il s'éloigna vers le mur, s'assurant d'emporter le drap avec lui.
« Des dents pointues? » Tom le regardait avec amusement. « Tu veux dire celles-ci? » Il ouvrit la bouche et ses deux canines semblèrent s'allonger devant les yeux de Bill.
Bill cligna des yeux. Et une fois encore. Sa tête rassemblait toutes ces informations. Canines. Boire du sang. Force. Canines.
« Des stéroïdes? » demanda-t-il avec espoir.
La mâchoire de Tom trembla. Bill était vraiment bon quand il s'agissait de faire les gens faire ça.
« Bon, ça a été marrant et tout » commença Bill, se mettant debout et enroula précautionneusement le drap autour de sa taille. « Mais je dois vraiment rentrer à la maison. Est-ce que je pourrais avoir mes vêtements, s'il te plait? »
« Je les ai brûlés » Tom haussa les épaules.
Les sourcils de Bill faillirent s'envoler de son front. « Tu les as brûlé » répéta-t-il lentement. Il poussa un petit pleurnichement. « Pas mes bottes aussi. » Ces bottes lui avaient coûté une horloge de grand-père.
« Tes vêtements étaient couverts de sang. J'ai pensé que c'était mieux de m'en débarrasser, avant que chaque vampire ne s’imprègne de ton parfum. Cela dit, je n’ai même pas eu une goutte pour moi-même » dit lentement Tom, posant ses mains sur le mur, de chaque côté de Bill.
« Une goutte de quoi? » Bill gloussa nerveusement. Il pouvait se remettre du coup des vêtements – après tout, il restait des tas d'autres antiquités à vendre. Mais là, il ne voulait rien d'autre que sortir de là. Tom, bien que très sexy, lui donnait vraiment la chair de poule. Les yeux de Bill parcoururent la pièce et il repéra la porte. Et bordel, le drap ne voulait pas rester en place. Il l'agrippa et leva les yeux. Tom était très près de lui. Un peu trop près et il se penchait encore plus près.
« Une goutte de toi » chuchota Tom contre son cou.