Il faisait nuit et Bill n'arrivait pas à dormir. Il s'était enfermé dans un placard pour éviter Tom et cela avait marché – il n'avait pas vu le vampire depuis des heures, ce qui était exactement ce qu'il voulait. Il avait besoin de temps pour réfléchir, seul avec lui-même.
Il avait peur de développer le syndrome de Stockholm, ce qui était certainement quelque chose à envisager. Il pensait aux yeux doux de Tom, sa peau chaude, ses épaules larges, son goût.
Bill, qui n'arrivait pas vraiment à se concentrer longtemps, pensa brièvement à son poisson rouge et se demanda s'il était déjà mort de faim ou non. Il pensa à sa maison, qui était probablement affreusement sale depuis le temps. Toutes les antiquités devaient être couvertes de poussière et il soupira en s'imaginant les nettoyer quand (
si pensa-t-il avec effroi) il retournerait chez lui.
Le ventre gargouillant, Bill décida qu'il était temps pour un encas nocturne. De plus, ça serait sympa de donner un peu de repos à sa tête et à son coeur – penser à son chez lui, son lit, même à ce maudit poisson rouge allait le faire pleurer. Il se releva, les genoux craquant après des heures passées plié. Il tituba en dehors du placard et rentra dans quelqu'un, qui sauta en arrière comme s'il avait été attaqué.
« Pardon » dit-il sèchement, examinant du regard la femme qu'il avait bousculée. Ses sourcils se haussèrent. Il l'avait reconnue – la femme avec qui Tom avait couché. Il lui lança un regard mauvais, se foutant d'être irrationnellement en colère.
« Qu'est-ce que tu fais caché, humain? » Elle le regardait de la même façon qu'elle regarderait une femme: de la tête aux pieds, cherchant un défaut physique ou vestimentaire. Elle sembla avoir remarqué quelque chose car quand elle regarda enfin Bill dans les yeux, un rictus ornait son visage.
Elle n'est même pas très belle. Tom n'a aucun goût, se dit triomphalement Bill, se sentant encore mieux quand il se rendit compte qu'il était plus beau que cette femme. Sa légère bonne humeur s'évapora aussi vite qu'elle était apparue; si Tom devait le tromper (pas qu'il le trompe vraiment, puisqu'ils n'entretenaient pas de relation ou quoique ce soit.. n'est-ce pas?) il pouvait au moins le faire avec quelqu'un de joli, pour que Bill puisse y voir un peu de bon sens. On trouvait des femmes comme elle à la pelle. Taille moyenne, un corps normal, des cheveux bruns comme si on les avait brûlés, et un nez qui ne pouvait être beau que photographié sous un certain angle.
Ne lui donnant pas d'autre réponse qu'un toussotement, Bill commença à descendre le couloir. Il avait fait trois pas lorsque sa voix perçante l'appela, « Je t'ai posé une question. »
« Et je n'ai pas envie d'y répondre » lui répondit-il, ne prenant même pas la peine de se retourner.
En une seconde, il se retrouva pressé contre le mur, son poignet levé au niveau de sa tête.
« Peut-être que si tu te défaisais de Tom plus souvent, tu aurais le temps d'apprendre les bonnes manières » cracha-t-elle.
« Ce n'est pas moi qui couche avec Tom » claqua-t-il avant d'ajouter, « Grosse vache. »
Les yeux de la femme s'assombrirent et Bill était sûr qu'elle aurait été plus qu'heureuse de lui déchirer son poignet si elle n'avait pas été soudainement poussée en arrière. Les yeux de Bill s'écarquillèrent et regardèrent autour de lui, cherchant son sauveur.
Ce n'était pas Tom.
« Bushido » dit la femme d'une voix entrecoupée, les yeux emplis de peur.
Se sentant un peu idiot, toujours collé au mur avec le poignet en l'air, Bill fit un pas de côté, fixant l'homme de grande taille en face de lui. Du coin des yeux, il pu voir la femme ramper en arrière avant de se mettre debout et s'évaporer.
« Euh... salut? » Bill plissa les yeux devant Bushido, qui était aussi intimidant que son nom l'était.
« C'est donc toi. Celui que Chakuza a presque tué. Une bonne chose qu'il ne l'ait pas fait. » Bushido sourit, ses lèvres se retroussant, révélant deux canines pointues. Il posa une main sur la hanche de Bill et le poussa en avant, contre lui.
Bill se demandait quel était le délire avec tous ces pervers de vampires. Leurs mères ne leur avaient jamais parlé d'harcèlement sexuel?
Il essaya de se libérer, laissant échapper une exclamation de dégoût ('Beeerk!') quand Bushido renifla son cou.
« Pure du pêché de chair, aussi. Quoique quelque chose t'a corrompu... as-tu échangé du sang avec un autre de notre espèce? »
« C'est quoi ça,
Entretien avec un vampire? » Bill réussit à se libérer, probablement parce que Bushido l'avait laissé faire. L'autre homme resta complètement impassible et Bill trouvait que ses talents comiques n'étaient vraiment pas assez appréciés. « Um... Ok, laissez-moi vous dire ça de façon à ce que vous compreniez, laissez-moi, sale con de mes deux! » Il cria la dernière partie, espérant qu'il y avait un vampire autre que la vache-avec-qui-Tom-l'avait-trompé-même-si-ce-n'était-pas-vraiment-une-infidélité-puisqu'il-n'aimait-pas-Tom-ou-autre dans la maison qui l'entendrait.
« Tu es bien plus joli quand tu gardes la bouche fermée » lui dit Bushido d'un air sombre, levant la main et repliant ses doigts, imitant un 'la ferme'. Bill haussa un sourcil.
« Je peux y aller maintenant? »
Bushido le dévisagea, clairement confus. Il se pencha de façon à être à la même hauteur que les yeux de Bill et plissa les yeux. « Ne. Dis. Pas. Un. Mot. De. Plus. »
« Pourquoi. Vous. Parlez. Tous. Comme. Ça. »
« Donc tu ne peux pas être hypnotisé » nota Bushido, se redressant, dominant Bill de par sa taille. Il avait l'air impressionné et légèrement amusé. « T'es vraiment spécial, hein? »
Bill continua à s'éloigner, remarquant qu'il était sous une fenêtre. Il aurait aimé être en plein jour, alors il aurait ouvert les rideaux et aurait laissé la lumière du soleil faire son boulot. Bushido le suivait lentement, l'analysant et attrapa sa main, amenant son poignet à sa bouche et le mordant sans le prévenir.
Pas cool. Bill hoqueta, hurlant quand la douleur l'atteint. Il essaya de bouger, mais Bushido le tenait si fermement qu'il se déboîterait le bras s'il faisait un nouveau pas en arrière. Criant, Bill donnait des coups de pieds et frappait Bushido avec toute la force qu'il pouvait, ce qui n'était pas beaucoup – il sentait son coeur battre à l'arrière de sa tête alors qu'encore plus de son sang était extrait et ses genoux tremblaient sous lui. Bushido le relâcha enfin et Bill tomba au sol, les yeux vitreux, levant la tête.
« C'est donc ça le moyen pour te la faire fermer » dit-il cruellement, un sourire en coin tandis que Bill était au sol, tremblant de douleur.
Bushido lécha le sang autour de ses lèvres et regardait Bill avec avidité, comme s'il en voulait plus. Il se mit à genoux, enfonça ses dents dans son avant bras, et le mit au niveau de la bouche de Bill, comme une offrande.
Bill repoussa le bras, se traînant en arrière aussi vite qu'il le pu. Il lança un regard provocant à Bushido et grogna. « Non. Seulement Tom. »
Le visage de l'autre homme se fendit d'un large sourire et il laissa échapper un rire proche de l'aboiement. « Tom? C'est lui qui te revendique? »
« Exactement. »
Bushido se retourna et Bill laissa échapper un soupire de soulagement. Tom était là, fusillant Bushido du regard, les mains refermées en poings contre lui. Bill avait l'impression d'être la damoiselle en détresse dont le chevalier servant serait arrivé en retard. Mais mieux vallait tard que jamais, se dit-il.
« Tom, ça fait longtemps! » Bushido écarta en grand les bras, dans un geste de bienvenue. « Tu ne dis pas bonjour? »
« Tu as le culot de venir ici, » gronda Tom. « et d'essayer de voler ce qui est mien? »
« C'est pour ça que tu lui as donné ton sang? Pour le marquer? » Bushido sonnait incroyablement amusé et Bill aurait adoré chasser cet air satisfait de son visage. « C'est plutôt égoïste de ta part, Tom. Il a le meilleur sang que je n'ai jamais goûté et tu ne veux pas partager? »
« Dégage maintenant et je ne te tuerai pas » dit Tom, ignorant la question. Ses yeux se posèrent sur Bill, dont le poignet saignait abondamment. Bill essaya de se relever; il tenait son poignet et regardait Tom avec inquiétude, remarqua celui-ci, ressentant un élan d'affection pour lui.
Bushido rit. « Me tuer? Un infirme, essayant de me tuer? Dis-moi, Tom, comment va ton dos? »
Bill écarquilla les yeux. Il y avait quelque chose dans la voix de Bushido qui disait qu'il savait exactement ce qui était arrivé à Tom, ce qui lui faisait peur. Tom siffla et se jeta sur lui tellement vite que Bill faillit ne pas le voir. Bushido leva mollement les mains et Tom fut projeté en arrière avant même d'avoir pu l'atteindre.
Tom grogna alors qu'il s'asseyait, grimaçant. Puis tout arriva si vite que Bill pensa avoir imaginé tout ça. Un instant, il n'y avait qu'eux trois dans le couloir, puis l'autre d'après d'autres semblèrent apparaître. Andreas était aux côtés de Tom, l'aidant à se mettre debout, les canines pointées vers Bushido.
« J'ai eu ce pourquoi j'était venu » sourit Bushido, semblant se moquer du fait d'être encerclé. Il rencontra les yeux de Bill une dernière fois avant de disparaître.
Tom s'extirpa de la prise d'Andreas et accouru aux côtés de Bill, n'hésitant pas à mordre son poignet et à le lui offrir.
« Non » Bill secoua la tête. « Tu es blessé, donne-moi celui de quelqu'un d'autre. »
« Bill, s'il te plait, tu vas mourir » Tom avait l'air si alarmé que Bill sentit son coeur papillonner.
« Non, je ne peux pas boire, pas ici du moins » Bill secoua la tête, fermant étroitement la bouche. Il mourrait d'embarras s'il jouissait devant un public de vampires.
« Tom, emmène-le dans ta chambre » Jost était à genoux à côté de Tom. « Il boira là-bas. » Bill était si reconnaissant qu'il aurait pu l'embrasser. Tom hocha la tête et porta Bill, l'emmenant promptement.
**
Bill avait dû s'évanouir à un moment ou à un autre car quand il se réveilla, il était tout d'un coup dans la chambre de Tom, l'odeur cuivrée du sang emplissant l'air. Il essaya de lever la tête et eut l'impression qu'elle allait exploser.
Poussant un gémissement pathétique, Bill toucha Tom, qui lui tendait déjà son poignet. Bill se pencha désespérément, attachant sa lèvre contre et gémit de soulagement quand il sentit sa peau se reconstruire, son sang circuler à nouveau régulièrement. Derrière le soulagement d'être en vie, il sentit son sexe se durcir et il continua de lécher goulûment le trou se refermant jusqu'à ce qu'il jouisse. Il mordit le poignet de Tom durant l'orgasme puis relâcha son bras et s'effondra contre lui.
« Tu étais en retard » haleta-t-il.
« Je sais. Je suis désolé » dit doucement Tom, caressant ses cheveux « Quoique tu n'aurais pas dû me fuir comme ça » gronda-t-il, poussant Bill sur ses genoux et le serrant étroitement. « Qu'est-ce qui t'as fait fuir? »
Bill respirait lourdement, le côté de son visage enfoui dans le cou de Tom. Il se souvint leur bref et accidentel baiser et rougit. Essayant de se distraire afin de ne pas durcir à nouveau, il regarda son poignet, remarquant que cette fois-ci, sa peau était boursouflée et marquée. Il sentit une vague de haine pour Bushido le submerger et baissa son poignet, espérant que Tom ne verrait jamais qu'il avait été marqué.
« Rien » répondit finalement Bill, roucoulant et se cambrant lorsque Tom passa une main sous son tee-shirt, le long de sa colonne vertébrale. « Toutes mes expérience presque mortelles semblent se terminer avec toi me tripotant » dit-il, le toucher de Tom lui manquant aussitôt après l'avoir repoussé. « Et arrête de me fixer avec ces yeux-qui-ne-clignent-pas qui donnent la chair de poule. »
Secouant la tête avec amusement, Tom posa ses yeux sur les cuisses de Bill, où reposait son poignet. Il le prit et ses yeux se noircirent quand il vit la cicatrice.
Bill pensait qu'il allait s'énerver; crier ou balancer quelque chose ou insulter Bushido. À la place, il amena le poignet de Bill à sa bouche et y déposa un doux baiser. Bill en fondit presque et se demanda un instant pourquoi il continuait de repousser Tom.
Leur moment fut interrompu quand Andreas passa sa tête blonde dans la chambre. « Tom. Ils t'appellent. »
« Qui? » demanda Bill, les yeux écarquillés tandis que Tom soupirait et se relevait, se traînant jusqu'à la porte.
« Les anciens. Ils veulent parler. De toi, probablement. »
« Attend- » mais il était déjà parti.
**
Bill avait tellement le cafard que même le dernier
Vogue ne le consolait pas. Il était dans le bureau de Jost, encore, assis en face du vampire, fixant un édito sur la mode.
« Qu'est-ce qui leur prend si longtemps? » demanda-t-il pour la millionième fois ce jour-là.
« Ne t'inquiète pas pour Tom » soupira Jost pour la millionième fois ce jour-là.
« Bien sûr que je m'inquiète pour lui! » cracha Bill. Il balança le magazine sur le côté et se pencha en avant, refermant le livre de Jost avec audace afin d'avoir son entière attention. « Jost, vous devez me dire exactement comment il a eu cette cicatrice. C'est Bushido qui la lui a faite? »
Il fixa les yeux bleus de Jost avec entêtement jusqu'à ce que l'autre homme soupire et se tourne. « Oui. »
« Et? C'est pour ça que Tom ne peut pas le battre? »
« Oui. Cette cicatrice est, pour Bushido, le talon d'Achille de Tom. » Avant que Bill ne puisse demander autre chose, Jost se pencha en avant, ses yeux brillant d'une façon qui fit finalement regarder ailleurs Bill. « Tu devrais passer moins de temps à t'inquiéter pour Tom et plus à t'inquiéter pour toi. Bushido sait pour toi – il devait avoir un subalterne qui surveillait Chakuza. Il connaît ta spécialité et il ira répandre la nouvelle. De plus, il a goûté. Il en voudra plus. Ton sang est plus précieux que celui de n'importe quel humain. »
« Comment le savez-vous? » demanda Bill.
« Tu ne l'as pas vu disparaître? C'est ton sang qui lui a permis de faire ça. Ça lui a donné de la force. »
« Bon dieu, achevez-moi. »
« Tu devrais arrêter de demander aux gens de faire ça si tu ne vas pas jusqu'au bout » grommela une voix derrière lui.
(Ndt: Même jeu de mots que dans le chapitre deux )Bill était si heureux de voir Tom qu'il se jeta sur lui avec tellement de force qu'il en serait tombé s'il avait été humain. Tom était si surpris qu'il lui fallut un moment avant de lever les bras et répondre au câlin.
« Viens » dit-il, s'éloignant et ignorant les plaintes de Bill. Bill se tu lorsqu'il entendit les mots, « On s'en va. »
« On s'en va et on va... »
« Je te ramène chez toi. »