Bill se réveilla alors que le soleil se couchait et il s'étira, ses yeux se posant immédiatement sur Tom.
Le blond était allongé sur le ventre, les bras repliés, la tête enfouit entre eux. Il avait une couverture sur lui, celle que Bill avait trouvé et lui avait donné par pure courtoisie. C'était un vieux tissu à fleurs, une des rares choses laissées par Simone que Bill n'avait pas jugé bonne à vendre.
Se disant qu'il faisait trop chaud dans le débarras, Bill retira la couverture et ce qu'il vit lui coupa le souffle.
La cicatrice sur le dos de Tom s'était agrandie – quand il l'avait vu pour la première fois, c'était une longue ligne parcourant son dos de haut en bas, le long de sa colonne vertébrale. Elle semblait s'être à présent étirée sur les côtés, les bords douloureusement à vifs, entachant la peau de Tom.
« Que... » hoqueta désespérément Bill, n'osant pas lever sa main pour la toucher.
Tom se retourna rapidement et fit un sourire maladroit à Bill, ignorant son expression horrifiée. « Hey. »
« Tom, putain qu'est-ce que c'est? »
Un profond soupir. Puis, « Je te l'ai dit, c'est juste- »
« Non, ne me sors pas cette connerie de 'C'est juste une vieille cicatrice'. Je veux des réponses. »
« Je ne sais pas quoi te dire de plus » Tom s'assit et eut l'audace d'hausser les épaules. « C'est tout ce qu'il y a à dire, c'est juste une vieille cicatrice. »
« Les cicatrices sont censées guérir, surtout si tu es un vampire qui boit régulièrement du sang. Et je croyais que mon sang était hyper nutritif ou je ne sais quoi. Tu as besoin de plus? »
« Ce n'est pas ça, Bill, c'est juste... » Tom soupira. « Ne t'inquiète pas pour moi. »
« J'en ai ras le bol d'entendre ça » dit désespérément Bill. Il se sentait soudainement mal, comme si quelqu'un lui poignardait la poitrine. « Vraiment, est-ce que tu as besoin de plus de mon sang? C'est ce que tu voulais dire quand tu as dit que je te sauverai la vie? » Il savait qu'il avait des accents hystériques, mais il s'en foutait. Il commença à jacasser, parce que c'était la seule chose qu'il pouvait faire. « Tu peux avoir tout ce que tu veux. Tu peux tout prendre, mais je ne suis pas prêt pour la mort, alors tu devras me transformer quand tu auras fini. Ou alors je reviendrai hanter ton petit cul. »
« Ne dis pas ça » gronda Tom, l'air soudainement très en colère. « Tu es jeune et stupide, tu ne sais pas ce que tu dis, tu ne sais pas ce que tu veux. »
« Je ne veux pas que tu meurs! » dit Bill d'une voix stridente.
« Je ne vais pas mourir » rit Tom, ce qui énerva encore plus Bill.
« Alors quoi?! »
« Chuut, calme-toi. Tu fais peur au poisson »
« Tom, arrête de changer de sujet! » siffla Bill, les yeux plissés. « Dis-moi ce dont tu as besoin. »
« J'ai besoin... de m'habiller. Bon dieu, il fait froid ici, même pour moi! Où est cette couverture? »
« Donc tu ne vas pas me le dire » La bouche de Bill était étroitement fermée, ses yeux fusillant Tom du regard, les bras croisés contre son torse. C'était exactement la position dans laquelle il était lorsqu'il se trouvait dans une file d'attente dépassant du magasin. « Tu sais, le truc avec les âmes soeurs c'est qu'elles se disent absolument tout. »
« Ha! Alors maintenant tu veux qu'on soit des âmes soeurs? »
« Quoi, c'était juste pour me sauter tous ces discours? » demanda Bill, scandalisé. Il se défit de la couverture et enfila son pantalon, maudissant Tom d'avoir était si beau quand il s'était réveillé, les paupières à moitiés ouvertes et les cheveux en bataille. Rien que sa vue lui donnait envie de retourner au lit.
« T'es tellement une fille » soupira Tom, fermant les yeux en étirant ses bras.
C'était la goutte d'eau. Bill haïssait plus que tout quand les gens le traitaient de fille. La dernière personne à le lui avoir dit avait fini avec une poignée de cheveux en moins. Le torse de Bill se souleva, comme celui d'un oiseau qui serait énervé, et il gronda. « Et bien, la fille veut que tu foutes le camp d'ici. »
Et juste comme ça, Tom était sur ses pieds et poussé par une force invisible. C'était presque drôle, la façon dont ses pieds dérapaient sur le parquet, ses doigts se raccrochant à tout ce qu'ils pouvaient atteindre, sans succès.
Bill n'avait pas prévu ça, mais il regardait avec amusement et fascination Tom se faire taper contre la porte de façon répétitive. Celui-ci poussa finalement un bruit d'impatience et déverrouilla la porte avant d'être mis dehors. La porte était ouverte, se balançant sur ses gonds et Tom était dehors, l'expression sur son visage hilareusement pathétique.
« Laisse-moi rentrer, Bill » dit misérablement Tom.
« Seulement si tu me dis pour la cicatrice » répondit tranquillement Bill, appuyé contre l'embrasure de la porte, les bras croisés contre son torse et un sourcil haussé. Il se sentit soudainement très puissant et suffisant, sachant qu'il pouvait avoir ce genre d'effet sur n'importe quel vampire. Tout ce qu'il avait à faire était de les inviter à l'intérieur puis les chasser juste pour le plaisir de regarder. Ça avait l'air marrant.
« Oh, pour l'amour de- » Tom leva les mains en l'air, l'air vraiment énervé. « T'es un putain de gamin têtu, tu le sais ça? »
« Et toi tu es coincé dehors. Alors passe une bonne soirée » lui dit Bill d'une voix faussement douce, avant de claquer la porte.
**
Bill sirotait un chocolat chaud, heureux, au chaud dans sa maison. Il était recroquevillé sur le canapé du salon, lançant de temps à autre un regard vers la fenêtre, depuis laquelle Tom le regardait, sombre.
« Sale type! » cria-t-il, s'assurant d'être audible pour Tom. Celui-ci l'entendit et le dévisagea encore plus, croisant les bras. « Qu'est-ce que tu vas faire quand le soleil se lèvera, Tom? » railla-t-il mais il y pensait en réalité depuis un moment.
« Tu finiras bien par me réinviter » répliqua Tom. « Ou je resterai là et laisserai le soleil me tuer. »
Bill baissa les yeux sur sa boisson, avalant sa salive de travers, essayant de se convaincre que le vampire ne faisait que bluffer. Il était en colère contre Tom, mais il ne voulait pas qu'il meurt.
Mais il ne s'en voudrait pas si Tom avait quelques brûlures ou morceaux de peau en moins. Ça lui apprendrait.
Salaud, se dit-il. Débile de canon de salaud. Qui avait le plus parfait des corps et un pénis vraiment sympa aussi.
Bill rougit. Il avait l'impression d'avoir été utilisé mais il ne regrettait pas ce qu'il avait fait avec Tom. Ça avait été bon, mieux que tout ce qu'il n'avait jamais fait et fabuleux. Si seulement ce salaud n'avait pas tout ruiné.
Ce salaud qui pouvait mourir s'il ne partait pas d'ici quelques heures. Bordel.
« C'est bon. Hey! Va-t-en! » aboya Bill. Grommelant, il posa son chocolat chaud et se dirigea vers la fenêtre, l'ouvrant violemment. Tom avait encore cet air énervé sur le visage et Bill lui retourna. « Dégage d'ici, va dormir, vieil homme! »
« ... Vieil homme? »
« Oui, t'avais dans la vingtaine pendant la première guerre mondiale, t'as quoi maintenant, cent ans? Je suis étonné que tu puisses encore le lever, sale fossile! »
La mâchoire de Tom tressauta mais il ne dit rien. Bill souriait. « Alors va-t-en avant que tu ne te déboîtes la hanche ou je ne sais quoi. » Tom l'ignora et ce fut au tour de Bill de trembler d'agacement. « Bordel, Tom, dégage de ma propriété! »
« C'est qui le vieil homme à présent? Quoi, est-ce que tu vas aller chercher ton fusil? »
« Je le pensais! » claqua Bill avec virulence. « Je ne veux pas d'un tas d'os de vampire débile sur ma pelouse! Alors fous le camp! »
« Dans ce cas laisse-moi entrer. »
« Non! »
« Je ne pars pas, Bill » Tom le fixait, ses yeux devenant sérieux. « J'ai été envoyé ici pour te protéger et c'est exactement ce que je vais faire, même si je dois mourir pour cela. »
Bill baissa les yeux, sentant le battement familier dans sa poitrine. Stupide Tom.
« Bill, s'il te plait... » Tom s'avança de quelques pas pour prendre le visage de Bill dans le creux de ses mains. Bill frissonna, se disant que sortir la tête par la fenêtre avait été une mauvaise idée, et fut incapable de se souvenir pourquoi il était énervé à la base.
« Très bien, je vais faire un compromis. Tu es autorisé à entrer...dans ma remise. »
Tom retira sa main, haussant un sourcil. « Excuse-moi? »
« Il y a une vieille remise en bois dans le jardin. Mets-toi à l'aise; c'est ta nouvelle maison. » Bill ferma la fenêtre et se recula avant que Tom ne le convainque de faire autre chose de stupide.
**
Il faisait jour et Bill était un peu honteux d'admettre que quand il s'était réveillé, la première chose qu'il avait faite avait été de parcourir le jardin à la recherche d'os. Il aurait bien jeté un coup d'oeil dans la remise, mais il n'aurait pas pu le faire sans faire entrer des rayons de soleil.
Alors, espérant que Tom n'était pas réduit en un tas d'os quelque part, il passa son sac Prada préféré sur son épaule et alla dans l'allée, jurant quand il réalisa que sa voiture était encore sur le parking de la banque.
Il décida de prendre le bus à la place. Il alla au centre commercial et soupira de bonheur, oubliant immédiatement tous ses problèmes de vampire. Il lui restait un peu d'argent et il avait l'intention de tout dépenser pour des choses dont il n'avait pas besoin. Il était clairement manque de shopping.
Marcher au travers des rayons de chez Barneys était comme marcher au paradis. Il s'était acheté de nouvelles chaussures, un nouveau sac, de nouvelles lunettes de soleil (même si aucune paire ne pourrait remplacer les fabuleuses Gucci qui avaient été perdues ce jour terrible à la banque) et un jean en moins d'une demie heure. Il farfouillait dans les tee-shirts quand il se rendit compte qu'il ne lui restait plus beaucoup d'argent et soupira, se demandant ce qu'il allait vendre.
Bill réalisa qu'il devait trouver un job aussi, et il se rendit à la caisse pour savoir s'ils embauchaient. Obtenir un entretien égaya sa journée et il sortit du magasin, incapable de se souvenir qu'il avait des problèmes.
Les sacs se balançant au bout de ses bras, Bill alla jusqu'à l'arrêt de bus, tapotant du pied et regardant aux alentours pour se rendre compte qu'il était entièrement seul. Il fronça les sourcils et enleva ses lunettes de soleil, remarquant qu'il n'en avait plus besoin puisqu'il avait l'air de s'apprêter à pleuvoir.
... Merde.
Bill scruta les alentours, se demandant où était ce foutu bus. Il était parti sans regarder la météo, persuadé qu'il ferait soleil toute la journée et qu'il serait protégé de tout vampire.
Une goutte de pluie s'écrasa sur son nez et Bill sortit son portable pour appeler un taxi.
Mais c'était trop tard.