Whom God wishes to destroy, he first makes mad.
Anon
Tom était assis à la table de sa cuisine, tard dans la nuit, faisant tournoyer son portable dessus. Il était près de trois heures du matin et il était encore bien réveillé. Il se sentait exténué, complètement épuisé, mais son esprit était agité et il était extrêmement tendu.
Son portable avait sonné toute la soirée; Brigitte l'appelait et Tom fuyait. Il n'avait pas vraiment parlait à quelqu'un depuis qu'il avait embrassé Bill la veille.
Il ferma les yeux, s'appuyant contre le dossier de la chaise et y pensa. Les lèvres de Bill avaient été si douces et chaudes; la sensation des lèvres de Bill sur les siennes ne voulait pas quitter son esprit. Il savait que c'était vraiment très mauvais, et qu'il dépassait certaines limites qu'il n'aurait jamais du dépasser, mais il se sentait tellement bien.
En réalité, être avec Bill le faisait se sentir comme s’il valait quelque chose.
« Tom » dit sa mère, entrant dans la cuisine, resserrant son peignoir autour d'elle. « Il est si tard. Pourquoi es-tu levé? »
« Pourquoi es-tu levée? » rétorqua Tom.
« Gordon ronfle trop fort.... C'est de pire en pire, je ne peux plus dormir la nuit » dit Simone, levant les yeux au ciel.
« Ça craint. »
Simone haussa les épaules et s'assit à la table. « Alors, racontes moi. »
« Te raconter quoi? » demanda Tom.
« Qu'est-ce qui te tracasses? »
Tom soupira. « Rien. »
« Sois honnête. »
« C'est rien » dit à nouveau Tom. « Je suis juste... réveillé. »
« Ok » dit sceptiquement Simone. « Tu es juste réveillé, ok. »
Tom fit une grimace et frotta son cou. « Ok, rien ne va »
« Résume ça. »
« C'est juste... ma vie. Ce qu'elle est, ce qu'elle n'est pas. Ce qu'elle devrait être. Et Brigitte... » La voix de Tom s'estompa. « On ne... on n'avance plus. »
« C'est bien » dit Simone. « C'est une gentille fille mais ce n'est pas une raison pour rester avec elle. »
« Hm » acquiesça Tom. Son esprit s'égara vers Bill, les lèvres de Bill, l'odeur de Bill.
« Et maintenant? » demanda Simone. « Tu viens juste de te détendre en quelques secondes alors que tu étais tendu. »
Tom fronça les sourcils. « Vraiment? »
« Vraiment. Tom, chéri, » dit doucement Simone. « Tu dois penser à ce que tu veux faire après avoir fini tes travaux d'intérêt général. »
« Je sais pas. »
« Et bien, tu dois y penser. Tu as fait une grosse erreur, tu sais, rentrer dans cette voiture après avoir autant bu. Dieu merci, personne n'a été blessé, mais Tom » dit Simone, les yeux inquiets. « Je m'inquiète pour toi. J'ai peur que tu le refasses. »
« Pourquoi je le referais? » demanda Tom.
« Pourquoi l'as-tu fait la première fois? »
« J'ai juste... Comme tu as dit, c'était une erreur. On était à cette fête, buvant et passant un bon moment et puis il était l'heure de rentrer. Alors j'ai pris ma voiture et je pensais que tout allait bien mais ensuite tout est devenu flou et j'ai été emmené au commissariat avec des menottes » dit misérablement Tom. « C'était humiliant. »
« Et bien, dieu merci ils t'ont attrapé avant qu'il ne se passe quelque chose » dit fermement Simone. « Ça aurait pu être pire. »
« Ouais, je sais. » Tom jeta un rapide coup d'oeil à ses clefs de voitures, pendues à un crochet sur le mur de la cuisine et il soupira. « Quatre mois sans avoir le droit de conduire... Je vais devenir dingue. »
« Tu y arriveras. »
Tom haussa les épaules.
« Quelque chose d'autre? » demanda presque muettement Simone.
Tom pensait à Bill, et c'était une des choses les plus importantes dans son esprit. Il ne pouvait pas en parler à sa mère, il ne pouvait en parler à personne. Il ne voulait pas que quelqu'un le culpabilise à propos de la seule chose qui le mettait de bonne humeur dans sa vie.
« Non » dit Tom. « C'est tout. »
« Essaye de dormir un peu » dit Simone, se levant en souriant. « Et je ferais pareil. »
« Bonne nuit maman » marmonna Tom.
Plus tard, quand Tom se coucha enfin, il se sentit trop nerveux pour s'endormir. Être étendu était bon, même relaxant mais son esprit ne voulait pas s'arrêter de cogiter. Il se demandait ce que faisait Bill, s'il dormait. Il se demandait si Bill avait ne serait-ce qu'un tant soit peu pensé au baiser, ou même s'il s'en rappelait.
Tous les membres de Tom regorgeaient d'énergie, son ventre picotait. C'était plaisant, quoique frustrant. Il tendit ses pieds et ferma violemment les yeux, essayant de calmer la sensation familière de ses besoins le priant d’être soulagés.
Son bas ventre était dur et il pressa sa paume contre, se tordant alors que ses hanches se cambrèrent involontairement au toucher. Maintenant il savait pourquoi il ne pouvait pas dormir. Il s'était refusé au sexe, au vrai sexe. Il n'avait pas eu de pulsions sexuelles envers Brigitte récemment et il ne s'était pas touché hormis quelques caresses fatiguées.
Il n'en avait pas eu l'envie, pas récemment, et avait presque oublié la sensation que son corps mourant d'envie d'être touché lui procurait.
Le beau visage de Bill et ses formes minces apparurent dans son esprit alors qu'il touchait son sexe à travers son boxer. Tom se secoua; il ne pouvait pas penser à Bill, pas quand il se branlait. Il se sentit coupable mais il ne pouvait nier à quel point c'était bon, de caresser son sexe dur en ayant des pensées pour le garçon aux cheveux noirs.
Il pensa à Bill rampant sur ses genoux, s'asseyant, se pressant contre lui et léchant son cou. Tom gémit et releva ses genoux, mordant sa lèvre. Il glissa sa main à l'intérieur de son boxer et sentit son excitation, sentit à quel point il était dur. Il fit une caresse appuyée sur son pénis et descendit plus bas, enroulant ses doigts autour de la base et les faisant courir jusqu'à son extrémité où l'humidité régnait. Dans son esprit, Bill avait à présent ses jambes autour de la taille de Tom et il s'écrasait contre son sexe. Ses cheveux étaient lisses, sa peau luisait et il n'avait jamais été aussi beau.
Tom n’arrivait plus à se sentir coupable de ses besoins; le soulagement qui coulait déjà dans ses veines était extraordinaire. Bill était sur lui, se tortillant et touchant et agrippant et léchant. Tom ferma violemment les yeux et s'enfonça dans sa main, massant ses testicules et sifflant entre ses dents. Il avait si chaud, de la sueur perlait sur son front et l'air étouffant de l'été rendait sa respiration difficile.
Il arqua son dos, enfonçant son visage dans son oreiller et soupirant. A présent, Bill avait ses doigts partout sur lui, appuyant sur son sexe et effleurant la fine ligne de poils juste en dessous de son nombril. Il baissa la tête, souriant, et lécha le torse de Tom. Tom gémit à cette pensée et puis, alors que Bill s'asseyait et pressait une nouvelle fois son sexe avec ses mains, Tom jouit violemment dans sa main, haletant et soufflant.
Il s'assit au bout de quelques minutes, clignant des yeux dans le noir, une grimace de confusion sur son visage. Il se sentait plus satisfait et plus relaxé qu'il ne l'avait été depuis un long moment.
Toujours avec Bill dans son esprit, il enleva son boxer et s'endormit.
**
Kaaren était à son bureau, prenant des notes quand Tom s'approcha d’elle le lendemain. Elle releva la tête et sourit quand il fut devant elle.
« Bonsoir » l’accueilla-t-elle.
« Salut » dit Tom. « Juste pour pointer. »
« Tu es en avance! » remarqua Kaaren, marquant quelque chose sur ses papiers. « Comment ça se fait? »
Tom haussa les épaules. « Je sais pas? »
Kaaren sourit une nouvelle fois. « Il n'y a pas beaucoup de choses à faire ici ce soir alors tu es autorisé à partir plus tôt quand tu auras fini. »
« Ok » répondit Tom. Il marqua une pause. « C'est silencieux ici. »
Kaaren acquiesça. « Très silencieux. »
Quelque chose dans son intonation rendit Tom mal à l'aise et il recula de quelques pas. « Je reviendrai plus tard. »
Kaaren le salua d'une main et Tom se retourna, enfonçant ses mains dans ses poches et s'éloignant. Plutôt que d'enlever son sac et de le pendre dans les vestiaires, comme il le faisait en temps normal, il le garda fermement sur ses épaules. Il monta directement vers la chambre de Bill, ne prenant même pas la peine de prétendre qu'il allait prendre son balai et son seau cette fois-ci.
Avant d'entrer dans la chambre de Bill, il remarqua un papier accroché sur la porte. Tom l'examina curieusement. C'était une page du dossier de Bill.
Patient Kaulitz, Bill. Mâle, 18 ans. Leipzig, Allemagne. Père Jörg, Mère décédée. Refuse ses médicaments depuis quarante huit heures. À surveiller de près.
Tom fronça les sourcils, s'écartant de la feuille et fixant le sol. Il se sentait coupable de fouiner mais c'était accroché juste là, devant lui. Il ne savait pas que Bill refusait ses médicaments; il ne savait même pas qu'il en prenait. Il ne savait pas que Bill n'avait pas de mère.
Tom agrippa les lanières de son sac à dos et prit une profonde inspiration. Il devait voir Bill, il crevait d'envie d'être près de lui, de voir comment il allait, de le sentir. Il ouvrit silencieusement la porte, le papier s'agitant alors que la porte s'ouvrait.
La chambre était une nouvelle fois sombre, et une fenêtre était ouverte. Tom regarda vers le lit et vit Bill assit, regardant droit devant lui.
Quelque chose était différent sur lui. Ses cheveux n'étaient pas indisciplinés; ils n'étaient pas emmêlés comme ils l'étaient habituellement. Ils étaient lisses, biens, soyeux. De plus, Bill n'avait aucun maquillage autour de ses yeux. Il était frais, doux.
Il était stupéfiant. Tom se rapprocha de quelques petits pas, retenant sa respiration.
« Bill » dit-il doucement. « C'est moi, Tom. »
Tom ne fut pas surpris quand Bill ne répondit pas, ne bougea même pas. Bill continuait de regarder droit devant lui, ne clignant pas des yeux, ne bougeant pas vraiment. Tom soupira légèrement et s'assit sur le lit.
« J'ai pensé à toi toute la nuit et toute la journée » dit faiblement Tom, enlevant son sac. « Tu me suis partout, tu sais? »
Bill cligna lentement des yeux, mais ne dit rien.
« Je sais que tu peux m'entendre » continua Tom. « C'est bon, je ferais la conversation. »
Il fixa Bill un moment, admirant juste son doux visage, ses fines épaules, ses longs doigts.
« Ce matin je me suis réveillé et j’ai eu une idée. Ma mère a gardé un tas d'affaires de quand elle était petite. Je ne sais pas pourquoi, et c'est dans cette grosse boite dans notre grenier. Je pense qu'elle voulait avoir une fille mais à la place, elle m'a eu moi » dit Tom, souriant. « Alors, je suis monté au grenier et j'ai fouillé dans cette boite. J'ai trouvé un tas de choses. Sa vieille queue de cheval était là-dedans. Ouais, ses cheveux. Au début, j'ai pensé que c'était dégoûtant mais ensuite, je sais pas. Plutôt cool. »
Bill cligna à nouveau des yeux.
Tom se mordit la lèvre. « T'veux voir ce que je t'ai apporté? »
Pas de réponse.
« Bill? » chuchota Tom.
Les yeux de Bill rencontrèrent ceux de Tom et Tom fut d'abord surpris. Il tint le regard fermement, ne regardant pas ailleurs, ne clignant pas des yeux. C'était juste une simple connexion mais Tom savait que cela voulait tout dire.
Sans quitter des yeux ceux de Bill, il défit la fermeture éclair de son sac et en sortit quelque chose. Il était incroyablement nerveux tandis qu'il l'installait devant Bill, presque sur ses genoux.
Bill baissa les yeux. « Une poupée? »
Tom hocha la tête. Il avait trouvé une vieille poupée en forme de bébé dans les affaires de sa mère et la première pensée qu'il avait eue avait été pour Bill. Il ne comprenait pas réellement pourquoi Bill avait tellement besoin d'une poupée. C'était clairement quelque chose de réconfortant et Bill se brisait sans.
« C'est à toi, si tu la veux » dit Tom.
« Oh. » Bill fronça les sourcils et prit la poupée, la faisant tourner dans ses mains plusieurs fois. « P-pourquoi v-voudrais-je une poupée? »
« Parce que... » commença Tom, sa poitrine se serrant. « Parce que tu n'as pas... »
« Je n'en veux pas » chuchota Bill, les yeux flous. « Je ne v-veux pas d'une p-putain de poupée. »
« Bill » dit désespérément Tom. « Vraiment? »
Ce fut à cet instant que Tom réalisa. La poupée qu'avait avant Bill n'était pas une simple poupée. Il avait créé une connection très spécifique avec celle-ci, il l'avait aimée et elle était réelle pour lui.
La chose que Tom avait donnée à Bill était juste une poupée.
« Je suis désolé » marmonna Tom, ouvrant son sac et éloignant la poupée de Bill. « Bon dieu, je suis désolé. Je voulais juste t'aider, je- »
« Où est mon bébé? » demanda Bill, une larme coulant le long de sa joue.
« Je ne sais pas » dit faiblement Tom.
« Je dois le trouver » dit Bill, frottant ses yeux. Ses joues étaient devenues pâles et ses yeux dans le vague. « Je n-n-ne v-v-v... »
Tom enroula ses bras autour de Bill et il le rapprocha, aplatissant l'arrière de ses cheveux. Bill avait commencé à trembler et des larmes coulaient librement à présent, le long du visage de Bill et sous le tee-shirt de Tom. Tom embrassa la mâchoire de Bill, glissa ses mains sur les côtes de Bill, saisit ses hanches et le regarda.
« Bill, Bill » murmura Tom. « S'il te plaît. Ne pars pas. »
« Ne pars pas » répéta Bill, hochant la tête et se penchant en avant pour appuyer son front contre Tom. « Fais la r-revenir. »
Leurs lèvres se touchèrent pour la seconde fois et Bill se cramponna à Tom, tremblant dans son étreinte, suçant la lèvre inférieure de Tom et gémissant. Tom serra Bill, le tenant fermement dans ses bras et le berçant doucement alors que leurs langues se pressaient ensemble.
Quand ils s'éloignèrent l'un de l'autre, Bill semblait plus calme, ses yeux plus fixes.
« Hey » dit Tom, souriant un peu. « Tu es revenu. »
Bill hocha la tête, frissonnant. Ses lèvres priaient pratiquement d'être embrassées et Tom se pencha à nouveau en avant, les embrassant doucement.
« Quand K-Kathryn est née, elle ne s'arrêtait j-jamais de pleurer » dit Bill quand ils se séparèrent à nouveau. « Tellement fort, sans jamais s-s'arrêter. Pouvais jamais dormir. Je ne... Je ne l'entends p-plus. »
Tom plissa les yeux et caressa le bras de Bill. Il ne savait pas quoi dire. Ce n'était pas grave, cependant, parce que les paupières de Bill commençaient à se fermer et il chancelait légèrement. Tom l'aida à s'allonger et remonta les couvertures sur lui. Bill lui fit un petit sourire et soupira, laissant enfin ses yeux se fermer.
Touchant ses lèvres, Tom s'éloigna de plusieurs pas, cognant contre une chaise derrière lui. Bill remua mais ne se réveilla pas. Tom soupira de soulagement. Il ne voulait pas quitter la pièce, mais il avait du travail à faire. Il vint voir Bill une nouvelle fois, plus tard dans la nuit.
Il partit silencieusement et descendit à l'accueil, où Kaaren était encore paresseusement assise, vérifiant des documents. Quand Tom arriva au bureau et lui sourit, il vit qu'elle fixait une copie du papier qui avait été accroché sur la porte de Bill, et ce qui ressemblait au reste du dossier de Bill.
« Hey » dit lentement Tom.
« Oh, bonjour » répondit Kaaren. « Comment ça s'passe? »
« J'étais sur le point d'aller chercher mon balai » dit Tom, croisant les bras. « Tout va bien? »
« Mhmm. » Kaaren se frotta les yeux. « C'est juste, tu sais, un autre jour. »
Tom fronça les sourcils. « Pourquoi ne prend-t-il pas ses médicaments? »
Kaaren parut surprise « Pourquoi tu demandes? »
« J'ai vu un mot sur sa porte » répondit rapidement Tom. « J'me demandais juste. »
« Oh, bien » dit-elle doucement. « C'est un cas sévère. Je ne pense pas que je devrais vraiment t'en parler... »
Tom fronça son nez. « Désolé, je vais- »
« Non, en fait, tu as demandé et c'est beaucoup plus que ce que la plupart des gens font. Bill Kaulitz, il a un grave Syndrome de Stress Post-traumatique et des dégâts cérébraux mineurs » dit Kaaren. « Il est en mauvaise état. »
« Qu'est-ce qui est arrivé? »
Kaaren soupira. « Accident de voiture. Oh, bon dieu, un terrible. Ça a fait la Une des journaux internationaux et tout. Apparemment il allait quelque part avec sa mère et sa petite soeur encore bébé, une nuit, il y a un peu plus d'un an. Sa petite soeur, Kathryn, avait juste six mois. Sa mère lui avait demandé de l'attacher dans son siège de voiture et puis Bill s'était assis à l'arrière avec elle. »
Tom commençait à se sentir mal. « Ensuite? »
« Ensuite, et bien » continua Kaaren, baissant le regard. « C'était un vendredi soir, tous les jeunes étaient dehors, buvant, passant un bon moment... »
« Merde » chuchota Tom.
Elle hocha la tête. « L'impacte fut tellement fort que sa mère est morte sur le coup. Bill a souffert d'une blessure à la tête, il devait se faire opérer, il allait avoir quelques dégâts cérébraux, mais Kathryn... »
« Il a essayé de la sauver » dit Tom.
« Cependant, il ne pouvait pas et elle est morte en dessous de lui. Dans ses bras. Et de plus, les secours et la police ne sont pas venus avant un moment, personne n'a appelé dans l'accident, Dieu seul sait combien de temps Bill a regardé sa petite soeur souffrir comme ça. » Kaaren jeta un coup d'oeil à son dossier. « Tout ça à cause d'un conducteur soûl imprudent. »
Tom se sentait nauséeux. Il toucha sa poitrine et se recula d'un pas, avalant difficilement sa salive. « C'est... C'est si affreux. »
« Il va mieux » dit Kaaren. « Il a fait beaucoup de progrès mais... » Elle soupira. « Il avait pour habitude de... se cacher. À chaque petit bruit, il se cachait. Et ensuite criait toute la journée. Pendant un moment il arpentait les couloirs, cherchant sa mère... Et puis la poupée est arrivée. Le fait de la garder l'a plus ou moins aidé jusqu'à maintenant. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé et normalement je désapprouve les patients qui ont des attachements tels que celui-ci, mais il va si bien. »
Tom avala encore difficilement sa salive. « Je pense que la poupée est... »
« Sa petite soeur? Peut-être » répondit Kaaren. « Son père vient lui rendre visite parfois, mais ça n'arrange jamais les choses. Je pense qu'il en veut à Bill. Il a été très rapide pour nous envoyer Bill afin qu'on prenne soin de lui. Ce n'est pas étonnant que Bill n'est pas remonté la pente. Je suis tellement en colère... Bill est un ange, il n'a rien fait pour mériter ça. »
« Qu'est-ce qui arrivera s'il ne prend pas ses médicaments? »
« J'ai peur qu'il parte et qu'on ne soit pas capable de le faire revenir. Il disparaît parfois. Pas physiquement, mais mentalement. Il voyage loin de nous et c'est très, très dur de le ramener. Je ne sais pas où il va » dit Kaaren. « Si c'est un endroit sûr qui le réconforte alors je souhaiterais presque qu'il puisse y vivre en permanence, mais... on ne peut pas le laisser se fermer comme ça. »
« Je sais » murmura Tom. « Je regrette... Je regrette que ce soit comme ça. »
« Peut-être que c'est une bonne chose de t'avoir raconté tout ça » dit Kaaren, fixant Tom. « Toi et Bill avez quelque chose en commun. Vous êtes tous les deux ici à cause d'une conduite en état d'ivresse. »
Tom ferma les yeux et laissa échapper un souffle. « J'ai compris. »
« Il n'y a rien à comprendre » dit Kaaren, avec plus de gentillesse. « Je ferais mieux de rentrer. Je fais des heures supplémentaires depuis deux semaines. C'est trop pour moi. Je peux te demander de ranger ces dossiers aux archives? »
« Bien sûr » dit Tom. « Je suis... Je suis désolé. Je ne sais pas pourquoi. Je le suis juste. »
Kaaren hocha lentement la tête. « Je l'apprécie. Tu n'es pas un mauvais garçon, Tom... Tu le sais, pas vrai? »
Tom haussa les épaules. « Je sais pas. »
« Sois juste prudent » dit-elle, ramassant son sac à main et se levant. « Tu sais? Tu iras bien. »
Tom se contenta d'acquiescer alors qu'elle partait. Il la regarda disparaître dans l'ascenseur et puis entreprit de descendre le dossier du hall jusqu'aux archives. Il prit le plus long chemin, passant près d'une chambre familière et s'y arrêtant brièvement.
Bill dormait dans son lit et Tom soupira de soulagement. Il ne voulait pas trouver Bill à fixer le noir une nouvelle fois. Il marcha près du lit et toucha les cheveux de Bill. Bill soupira dans son sommeil et roula, enlaçant un petit coussin contre sa poitrine, où il tenait habituellement sa poupée.
« Bill » chuchota Tom.
Bill remua légèrement, ses paupières battirent et Tom sourit, touchant ses cils. Il voulait aider Bill encore plus que jamais. Il se demanda ce que cela faisait de traverser quelque chose d'aussi horrible qu'avait traversé Bill et frissonna.
La chose qui dérangeait le plus Tom était qu'il avait été de l'autre côté de cet accident. Il n'était pas différent du conducteur qui avait dévasté la famille de Bill, la vie de Bill. La seule différence était que Tom avait été arrêté avant d'avoir pu causer des dégâts, et il en était si reconnaissant à ce moment-là. Aussi humiliant que c'était, il savait que sa mère avait raison; ça aurait pu être vraiment pire.
Bill toussa dans son sommeil et Tom s'éloigna, enroulant ses bras autour de lui. L'air était froid et Tom se sentait fatigué.
**
Brigitte ne tenait la main de Tom uniquement parce qu'elle pensait qu'elle le devait. Tom le savait. Il faisait la même chose; posant un bras autour d'elle uniquement parce que c'était ce qu'ils avaient toujours fait. Brigitte était raide dans ses bras, et Tom avait uniquement accepté de venir chez elle pour la soirée parce qu'elle l'avait supplié et culpabilisé.
« Aïe » murmura-t-elle, bougeant la tête. Une mèche de ses cheveux s'était accrochée dans l'étreinte de Tom et il enleva son bras, le posant sur ses genoux.
« Désolé » marmonna-t-il.
« Non, ça va » dit Brigitte, lui faisant un sourire. Elle était encore dans ses vêtements de travail; une tenue de banquière terne et sévère.
Elle ressemblait à une étrangère pour Tom, et il se sentait gêné. Il avait l'impression qu'ils avaient déjà passé beaucoup de temps loin de l'autre et qu'il ne pouvait plus se connecter à elle, même s'il le voulait.
« Qu'est-ce que tu veux faire? » demanda Tom.
« Je sais pas. Papa et maman sont sortis pour la nuit... On pourrait aller dans leur chambre et profiter de l'immense télé » suggéra-t-elle.
Tom haussa les épaules. « Ça sonne bien. »
« Ou on pourrait... commander à manger et... euh... » Brigitte fronça les sourcils. « Baiser? »
Tom tenta un rire. « Le vieux classique. »
« Allez, Tom » dit-elle, souriant un peu. « On a pas été juste nous depuis si longtemps. »
« Je sais » dit doucement Tom. Il entoura à nouveau son épaule de son bras et elle soupira de contentement, se blottissant contre lui. « Ah Brige, ma jambe... »
« Désolée » dit-elle, ajustant sa position.
Tom fit une grimace et tendit la tête en arrière. Il voulait partir de là mais il avait accepté de lui consacrer toute sa soirée.
« On pourrait louer un film? » proposa-t-elle.
« Ouais, on pourrait » accepta Tom. Il la rapprocha, laissant à peine son bras se reposer sur elle.
« Tom, aïe. »
« Quoi? »
Elle grimaça. « Mes cheveux, tu tires encore dessus. »
Tom soupira.
**
Quant Tom arriva au travail le soir suivant, il fut surpris d'y trouver de l'agitation. Il y avait des infirmières courant partout et tous les résidents étaient de mauvaise humeur, plus que d'habitude.
« Qu'est-ce qui se passe? » demanda-t-il à Kaaren quand il pointa.
« Oh, bon dieu » dit-elle. « Aujourd'hui est juste... » Elle secoua la tête. « Ça dure depuis toute la journée. »
« Quoi? »
Tom entendit un cri à l'autre bout du couloir et vit du coin de l'oeil une autre infirmière courir.
Kaaren soupira. « On ne peut pas... Il n'y a rien qu'on puisse faire, on a tout essayé, je... »
Un autre cri, puis un hurlement suivit par un nouveau cri retentirent et les yeux de Tom s'écarquillèrent.
C'était Bill.
« Qu'est-ce qui c'est passé? » demanda Tom.
Kaaren leva les mains, sans pouvoir intervenir. « S'il te plaît, ne t’inquiètes pas Tom. Ça n'a rien à voir avec toi. »
Tom regarda au fond du couloir, où se trouvait la chambre de Bill. Son coeur lui fit mal quand il entendit les sanglots de Bill. Il avait l'air si désespéré. Tom s'éloigna du bureau et traversa le couloir, vers la chambre de Bill.
« Tom! » l'appela brusquement Kaaren, mais Tom ne se retourna pas. Il devait voir Bill, il devait voir de lui-même ce qui n'allait pas. Il prit de l'allure, passa devant quelques infirmières tourmentées. Elles avaient toutes l'air désemparé.
Quand il arriva près de la chambre de Bill, il ralentit ses pas et avança lentement vers la chambre, croisant ses bras et se mordant nerveusement les lèvres. Il n'était pas sûr de ce qu'il allait voir, si Bill allait bien.
Il prit une profonde inspiration et regarda à l'intérieur de la pièce.
Le lit était entouré de cinq ou six infirmières et Bill était là, allongé sur le lit, se débattant. Il hurlait, pleurait, criait et griffait désespérément quiconque s'approchant de lui. Quand quelques infirmières bougèrent, Tom eut une vision claire de ce qu'il se passait.
Bill était retenu au lit. Ses poignets et ses chevilles étaient attachés et il semblait terrifié.
Tom sentit son estomac se retourner et il regarda immédiatement ailleurs, une main sur la bouche, haletant. Il savait qu'il allait vomir, et il partit aussi vite qu'il le pu, passant à travers la porte des escaliers violemment et les descendant trois par trois.
L'air frais pénétra dans ses poumons quand il arriva finalement dehors et il s'appuya contre le bâtiment, respirant difficilement, avalant de grandes bouffées d'air, en ayant des hauts le coeur. Il resta là quelques instants, toussant, frappant le mur bien trop dur et jurant.
« Putain, putain, putain » jura-t-il, fermant les yeux et appuyant durement son front contre le mur, jusqu'à voir des étoiles. Il s'accroupit et frotta le bas de son dos, prenant de profondes et régulières inspirations. « Merde. »
Après quelques minutes passées à se calmer, il sortit son portable de sa poche et tapa le numéro de sa maison avec des doigts tremblants.
« Maman » dit-il d'une petite voix. « Viens me chercher, je dois rentrer à la maison. Maintenant. Merci. »