Chapitre 23

Tom ne s'était jamais senti aussi merdique de toute sa vie. Il voulait se cacher dans un trou et mourir – la seule option plus appétissante serait que Bill le pardonne, ce qui ne risquait certainement pas d'arriver d'ici peu. Bill avait rompu avec lui, pour de vrai cette fois-ci et Tom n'avait pas réussi à dormir de toute la nuit. Bill et lui étaient dans leur chambre, dormant dans leurs lits respectifs, et le blond était affreusement tenté de grimper à la petite échelle de bois pour se blottir contre Bill sous les draps.

Mais il savait qu'il n'en avait pas le droit, il se sentait trop coupable pour le faire.

Alors il était resté dans son lit la nuit entière, son ventre se tordant douloureusement, les yeux regardant sans vie le ciel virer du noir bleuté au violet puis à l'orange tandis que le soleil se levait. À l'aube, il décida qu'il ne pouvait plus le supporter; être dans la même pièce que Bill, alors qu'il y avait tellement de colère dans l'air, était trop dur à supporter. Il roula en dehors du lit et mit ses crampons, se préparant pour le match qui ne se déroulerait que quelques heures plus tard.

Un peu d'entraînement ne faisait jamais de mal.

**

Saki observa le terrain, puis les gradins. La foule venue voir le match du jour était la plus grande qu'il n'avait jamais eue. Mais cela ne fit que rendre le professeur de sport plus nerveux – il ne pouvait plus se permettre de perdre à présent, il serait trop humilié.

« Beau matin, n'est-ce-pas? » railla le coach de l'équipe de Mädchen, Ali.

« Magnifique » répondit sèchement Saki.

« Au fait, vous voulez qu'on soit plus sympa avec vous cette année? » Ali haussa ses sourcils sombres d'un air condescendant.

Vas te faire, mourrait d'envie de dire Saki. Il se contenta cependant de dire calmement « Ou alors nous pourrions vous laisser gagner. Encore une fois. »

Ali explosa de rire et secoua la tête alors qu'il retournait du côté des filles.

« Oh, tant que j'y suis! » beugla-t-il en se retournant. « Faites attention à notre arme secrète – j'espère que vous en avez une aussi! »

« J'en ai une! » aboya Saki en retour, parlant de Tom et regardant derrière le coach. Il plissa les yeux, avalant difficilement sa salive quand il vit ce que devait être l'arme secrète.

La plupart des filles appartenant à Mädchen étaient belles, petites et fragiles, mais cette fille était comme le vilain petit canard, ou de façon plus poétique, comme une mauvaise herbe dans un champ de pâquerettes. Elle devait faire dans les 1m85, avait des épaules larges d'homme, un unique et épais sourcil brun et ses cheveux blonds étaient rassemblés en deux grosses tresses mal faites. Saki lut l'arrière de son uniforme, 'Marissa'. Un beau prénom pour une fille effrayante.

« Monsieur! » Andreas courut vers Saki, l'air de bonne humeur et plein d'énergie. Trompeur, quand on savait ce qu'il allait dire. « Georg ne jouera pas le match d'aujourd'hui. »

Saki prononça de jolis noms d'oiseaux et se retourna vers le blond, qui était déjà en train de s'éloigner nerveusement. « Qu'est-ce que tu veux dire par 'il ne jouera pas'?! On a besoin de tout le pouvoir masculin que l'on peut avoir! Où est-il bordel?! »

« Et bien, monsieur, euh... » Andreas se gratta la nuque, cherchant une issue de secours. « Vous connaissez la tradition annuelle qui consiste à la rencontre pré-match, n'est-ce pas? »

Saki toussa. « Rencontre pré-match? Tu veux parler de votre fête de sauvages? Continue. »

Andreas eut la décence de devenir rouge. « Oui. Et bien, Georg a eu...un accident impromptu. »

« Quoi?! »

« Il est en quelques sortes devenu saoul et a enlevé tous ses vêtements et a couru vers le centre d'astronomie, où le principal faisait un discours devant des parents, leur assurant qu'il n'y avait jamais de fête à risque dans cette école. » Andreas toussota. « Georg est en quelques sortes au poste de police en ce moment. »

Saki pâlit. « En quelques sortes? En quelques sortes?! »

Andreas hocha humblement la tête, enfonçant ses pieds dans le sol. Il poussa un cri aigue quand Saki passa un énorme bras autour de ses épaules et le secoua désespérément. « Bon dieu de merde, on a besoin de n'importe quoi! Tu vois Ali en train de se foutre de moi? Tu le vois? » Et en effet, l'autre coach était en train de pointer Saki du doigt, riant à gorge déployée.

« ...désolé, monsieur? » Andreas commençait à transpirer sous le poids de Saki.

« Et tu vois leur arme secrète? Marissa? »

Andreas plissa les yeux jusqu'à repérer le prénom 'Marissa' au dos d'un uniforme et il poussa un petit bruit, un mélange de terreur et de dégout quand il vit le propriétaire de l'uniforme. Il se retourna vers son coach.

« Marissa...c'est un si jolie nom pour une fille aussi terrifiante. »

« Exactement ce que je pense » Saki hocha la tête d'un air solennel. « J'ai vu Tom s'entraîner ce matin, et ça m'a rendu heureux à un point que tu ne peux imaginer. Mais avec Georg qui manque, on est en nombre restreint. » Il s'arrêta, grattant pensivement son menton. Il fronça encore plus les sourcils quand il arriva à l'unique solution qu'il pouvait trouver. Il poussa un profond soupire. « Vas chercher Bill. Il joue aujourd'hui. »

**

Bill n'était absolument pas content d'être tiré du lit ce matin-là. Il s'était endormi en pleurant la nuit précédente et il renifla pathétiquement quand Andreas lui tendit l'uniforme de Georg.

« Je sais à peine jouer! » croassa-t-il, se frottant les yeux.

« Tu peux toujours faire quelque chose » Andreas tapota gentiment son épaule. « Allez, fais-le pour l'école. Tout le monde compte sur toi – si on gagne, tu seras un héros. »

« Mais on ne gagnera jamais »

Andreas soupira. « Peut-être que cette année si. On ne sait jamais. C'est la tradition de laisser les filles gagner, vu que ce n'est qu'un événement caritatif. Mais je pense que Saki prend ça plutôt à cœur cette année. »

« Bien, qu'importe » murmura furieusement Bill, il commença à se déshabiller, se moquant du fait qu'il n'était pas seul. Il enfila l'uniforme et rougit quand Andreas lui sourit d'une façon un peu trop amicale. « Hm, allons-y. »

Le blond hocha la tête et ils quittèrent la pièce.

A peine arrivés sur le terrain que Bill se les gelait déjà. Il enroula ses bras autour de lui, frissonnant sous le vêtement fin et ramena ses genoux contre son torse, claquant des dents. Il essayait de ne pas regarder le match. Le score était de zéro à zéro et Tom était en train de guider la balle loin de Marissa, dont la vitesse était aussi incroyable que son look. Bill essayait de ne pas remarquer à quel point Tom était magnifique, si mince et déterminé, les lèvres serrées en une ligne fine, les dreadlocks ramenées en une queue de cheval sans bandana ni casquette. Tom abandonna finalement quand Marissa se rapprocha trop dangereusement et la laissa avoir la balle. Elle marqua un but et tous les supporters de Mädchen crièrent alors que Saki bouillait.

« Qu'est-ce que c'était que cette merde?! » mugit Saki alors que Tom s'asseyait sur un des bancs, pantelant. Il prit calmement une bouteille d'eau et but trois grosses gorgées avant d'essuyer sa bouche avec le dos de sa main.

Tom haussa les épaules. « Je suis fatigué » dit-il honnêtement.

Heureusement pour lui, c'était la mi-temps. Bill n'avait toujours pas joué et il trouvait qu'il gâchait son temps – il aurait dû être dans son lit, sous la couette, peut-être même en train de manger du chocolat pour se consoler. Il s'éloigna quand il vit Tom s'asseoir à côté de lui.

« Bill » chuchota doucement le blond, essayant de poser ses mains sur celles de Bill. Bill l'ignora et enleva ses mains, les posant sur ses genoux. Tom déglutit, son front se plissant de défaite.

« Laisse-moi m’expliquer » bredouilla-t-il, essayant de ne plus toucher l'autre garçon. « Ce n'est qu'un énorme... malentendu à la con. C'était quand on se disputait à St Barts, avant que je ne te dise que je t'aime. Tu te souviens? S'il te plait Bill. Je n'ai rien fait avec elle. »

« Et c'est pour ça qu'elle connait le goût de ta queue » cracha Bill, regardant droit devant lui, les bras croisés.

Tom grimaça. « Je n'ai pas couché avec elle » dit-il fermement. « Ça n'a été que toi. Je ne t'en ai pas parlé parce qu'elle ne voulait rien dire pour moi. Elle ne veut toujours rien dire. Je la hais tellement pour t'avoir autant blessé hier soir. »

« Ce n'est pas elle qui m'a blessé. »

Tom fronça les sourcils et s'éloigna lentement alors qu'un coup de sifflet annonça la reprise du jeu. Alors qu'il se levait, Saki posa une main sur ses épaules et le poussa à se rasseoir. 

« Tu es fatigué, Trümper » grogna le coach en guise d'explication. « Repose-toi un peu. Kaulitz, sur le terrain. » Il pointa sévèrement le terrain et Bill resta bouche bée.

Il n'eut pas le temps de protester car Saki tira sur son bras et le poussa vers la balle. Tremblant comme une feuille, à cause du froid mais aussi par peur, Bill approcha de la balle. Un coup de sifflet retentit avant qu'il n'ait le temps de réfléchir et un troupeau de filles de Mädchen couru pour avoir la balle. Bill poussa un petit cri et couru après la fille qui avait la balle. April.

Quand il vit ses beaux cheveux couleur caramel virevolter derrière elle et la lueur déterminée de ses yeux, Bill sentit une vague d'énergie le submerger et il se rua derrière elle.

« Hé, la salope voleuse de petit ami! » cria-t-il pour la distraire. Elle tourna la tête pour lui lancer un regard et un air de dégoût passa sur son visage. Bill saisit l'opportunité et frappa la balle entre ses pieds, l'envoyant au loin, à un de ses co-équipiers. April lui lança un regard mauvais et il la regarda avec mépris. « Et chérie, tu devrais t'acheter de la crème Nivea contre la cellulite. »

La tête qu'elle fit provoqua une joie immense chez Bill et il courut, la laissant planter là. L'équipe d'Heisenberg marqua, pour la première fois du match et Bill rit joyeusement, jetant un coup d'œil vers les bancs pour voir Tom lui sourire. Il rougit et regarda ailleurs, le front plissé alors qu'il essayait de se convaincre qu'il le détestait encore. Perdu dans ses pensées, Bill perdu le fil du match et ne revint à la réalité que quand il vit la balle voler vers son visage. Il cria mais il était trop tard pour bouger et la dernière chose qu'il sentit fut le rebondissement de la balle contre l'arrière de son crâne.

Il gémit et tomba à genoux, frottant sa tête et tremblant de douleur. Soufflant, il plissa les yeux en regardant l'herbe, voyant les chaussures d'April.

« Oups! » Sa voix atteignit ses oreilles et elle poussa un petit gloussement avant de tourner les talons et d'aller voir l'arbitre pour lui dire que c'était un accident.

Tom serra les poings et regarda Bill être gentiment ramené vers les bancs. Il s'assit et baissa la tête, mais pas avant que Tom ne puisse l'entendre pleurer faiblement. Tom tendit une main, voulant caresser le dos de Bill mais il se stoppa avant – il ne voulait pas que Bill se sente encore plus mal qu'il ne l'était.

Saki s'approcha d'eux et secoua la tête avec un air de sympathie. « Elles sont vicieuses, hein? Kaulitz, reste la jusqu'à la fin du match, tu as de la chance que ce ne soit pas Marissa qui t'ait envoyé la balle. Trümper, retournes-y. »

Tom opina sans hésitation et couru sur le terrain. Il repéra April et la fixa d'un regard glacial, la faisant rougir et détourner rapidement le regard. Le sifflet retentit et Tom couru avec une énergie nouvelle, haletant en sentant le vent passer sur lui et ignorant la douleur qui brûlait ses côtes.

Marissa avait envoyé la balle haut dans le ciel, voulant la passer à April. Celle-ci était prête à frapper mais Tom arriva avant elle et leva la jambe en l'air pour frapper la balle.

Il manqua la balle de quelques centimètres et son pied rentra à la place en collision avec le visage d'April.

Il arrêta sa respiration dès qu'il sentit l'impact et tituba en arrière, balbutiant des excuses tandis qu'April cachait son visage de ses mains et hurlait hystériquement.

« C'était un accident » déglutit-il, horrifié. Il était planté là, tremblant tandis que l'arbitre sortait un carton rouge et manquait de le pousser avant de s'accroupir devant la fille pleurante pour frotter son dos.

Les autres garçons de l'équipe semblaient tiraillés alors que Tom s'approchait d'eux. Devaient-ils féliciter ou blâmer Tom pour avoir frappé une fille?

« Je jure devant Dieu que c'était un accident » croassa Tom. C'en avait été réellement un – il voulait avoir la balle, il l'avait à peine loupée. Il se sentait horrible et il regarda par dessus son épaule, se sentant encore plus mal quand il vit le visage d'April – du sang coulait en abondance de son nez et elle se leva en tremblant, dévoilant encore plus son visage ruisselant de rouge.

« Je crois qu'on peut dire que c'est un match nul » dit l'arbitre en s'approchant de Saki, le coach Ali à ses côtés. « Le match devient un peu trop...intense. » Il lança un regard à Tom qui tenta de se rétrécir. « Vous avez oublié que c'était un événement caritatif, pas un tournoi pour voir qui provoquerait le plus de blessure. »

« C'était un accident » répondit Saki d'un ton sévère. « Mais d'accord, on peut dire que c'est match nul.»

« Jusqu'à l'année prochaine » Ali plissa les yeux d'un air menaçant avant de se retourner pour rejoindre son équipe.

Une fois l'arbitre parti, Saki se retourna vers sa propre équipe. Il soupira bruyamment et secoua la tête, lançant un regard méprisant à Tom.

« Allez à la douche » fut tout ce qu'il dit.

**

Tom ouvrit la porte de sa chambre de dortoir, venant à peine de sortir de la douche. Il soupira et se frotta la tête avec sa serviette, ayant un peu froid dans un simple tee-shirt et un bas de survêtement. Alors qu'il fermait la porte derrière lui, il regarda autour de lui à la recherche de son sweatshirt et grimaça en voyant Bill allongé sur son lit, le nez dans un livre de physique.

Bill leva la tête et lui fit un sourire hésitant. « Hey. »

Tom était un peu surpris qu'il lui parle. Mais il se sentait encore trop affreux à cause du match pour retourner son sourire à Bill alors il se contenta d'hocher la tête. Il avait reçu un mot lui apprenant qu'April avait un œil au beurre noir, la mâchoire cassée et le nez bien gonflé. Il la détestait mais il n'avait pas voulu la blesser physiquement.

Tom s'assit sur la chaise devant son bureau et sortit son cahier de physique. Il avait énormément de travail en retard et il savait qu'il devait le rattraper.

Bill fronça les sourcils devant la réaction de Tom et essaya de se concentrer sur ses devoirs de physique. Cependant, il ne put s'empêcher de jeter des coups d'œil à Tom toutes les deux millisecondes, observant sa main au teint halé venir gratter sa nuque. Bill pinça ses lèvres alors que Tom commençait à griffonner sur son cahier avec ferveur. Il pouvait exactement dire quand Tom était perdu face à un problème et pour la troisième fois, Bill sourit en coin et passa ses jambes en dehors du lit, descendant la petite échelle en bois.

« Besoin d'aide? » Il se tenait derrière Tom.

« Non merci. »

Bill leva les yeux au ciel et prit gentiment le crayon de papier des mains de Tom.

« Tu dois poser le problème – dessine le diagramme et détermine quelle est la vitesse initiale ainsi que la distance initiale. Elles sont toutes les deux égales à zéro. » Il redonna son crayon à Tom après avoir dessiné ledit diagramme et se pencha légèrement en avant, son visage au même niveau que celui de Tom. Il voulait rencontrer son regard mais le visage de Tom était sans expression et le blond écrivait à présent dans le diagramme qu'avait dessiné Bill.

« Hmm.. » Bill posa ses mains sur le bureau, se mordant l'intérieur des joues, à la recherche des bons mots. Il savait que Tom se sentait merdique et il ressentait le besoin de l'aider, de le faire se sentir mieux. « Je sais qu'elle a lancé le ballon sur ma tête, mais... tu n'étais pas obligé de lui casser la mâchoire. »

Pas la bonne chose à dire. Tom serra les dents et ferma les yeux, bougeant légèrement afin de ne plus être en face de Bill.

« Qu'est-ce qui te fait penser que je l'ai fait pour toi? » murmura-t-il enfin.

Bill toussota. « Je te connais trop bien. Tu ne vas pas me demander comment va ma tête? »

Tom se retourna, un petit sourire en coin arpentant son visage cette fois-ci. « Comment va ta tête? »

« Elle me fait un peu mal » répondit évasivement Bill, s'accroupissant en baissant la tête sous le menton de Tom de façon suggestive. Tom laissa échapper un petit rire et baissa la tête pour embrasser le crâne de Bill. Il baissa sa main et la passa doucement dans les cheveux noirs et fins de Bill avant de la poser sur sa nuque.

Bill ronronna et resta là, accroupit entre les jambes de Tom avant de poser sa tête sur les genoux du blond, frottant de temps à autre son nez contre son vente.

« Tu veux dormir avec moi? »

Bill leva la tête et haussa un sourcil. « C'est un peu trop tôt pour ça. Je ne t'ai même pas encore repris, tu sais. »

Tom leva les yeux au ciel. « Je voulais dire littéralement, idiot. »*

« D'accord. » Bill rougit avant d'hocher la tête. « Ok. Tu me gardes au chaud, promis? »

Tom hocha la tête et délaissa son livre de physique sur le bureau pour aller se vautrer dans son lit. Il souleva le drap d'une main et tapota à côté de lui avec l'autre. Bill grimpa à ses côtés et se blottit immédiatement contre lui, ses bras fermement accrochés au dos de Tom. Il sentit les muscles bouger sous ses paumes et il ferma les yeux, posant sa tête encore douloureuse sur l'épaule de Tom.

Des mains rugueuses continuèrent de caresser sa tête et les deux garçons restèrent silencieux jusqu'à ce que Tom murmure enfin: « Je suis désolé pour tout. »

Bill ouvrit un œil. « Moi aussi. »

Glissant un bras autour de la taille de Bill, Tom prit sa tête dans l'une de ses mains, incapable de se souvenir de la dernière fois où il avait été aussi doux avec quelqu'un.

« Tu dois me reprendre au fait. »

Bill gloussa un peu et leva la tête pour embrasser l'épaule de Tom.

« On verra. »


**

April tituba misérablement dans sa chambre. Elle venait tout juste de rentrer de chez le médecin et avait passé l'heure précédente dans la salle de bain, à fixer son reflet avec incrédulité. Elle était tellement belle avant, et à présent elle ressemblait à un truc sortant tout droit d'un film d'horreur. Le docteur lui avait assuré que les gonflements et les bleus disparaîtraient d'ici peu, mais April avait quand même piqué une crise. Elle était déterminée à ne pas quitter sa chambre tant que son visage ne redeviendrait pas comme avant.

« Hey » lança Jasmin avec un sourire, sa voix habituellement amicale sonnant de façon stridente dans les oreilles d'April. April lui lança un regard mauvais et attrapa son oreiller avant de tourner les talons et quitter la pièce. Elle allait dans la salle des professeurs pour regarder ses films d'amour préférés jusqu'à s'endormir – quelque chose qu'elle avait toujours fait quand elle déprimait.

April entra dans la grande pièce et se relaxa instantanément, se souvenant de la fête de la nuit précédente. Elle se souvenait s'être assise à côté de Tom et se dégoutait de l'avoir pratiquement supplié de coucher avec elle. Elle le haïssait de tout son cœur et elle l'insulta intérieurement alors qu'elle s'asseyait dans son canapé préféré et cherchait la télécommande.

A la place de la télécommande, sa main trouva une autre petite machine et elle l'amena à son visage, fronçant les sourcils. Un appareil photo. Quelqu'un avait dû l'oublier la veille. Elle l'alluma, décidant qu'elle pourrait être capable de savoir à qui il était grâce aux photos et donc de le rendre à son propriétaire.

Elle fronça les sourcils alors qu'elle regardait la première série de photos. Elles représentaient toutes Bill et Tom en train de danser à la fête de la veille. Elle rougit, se maudissant de penser que les photos d'eux en train de sourire étaient en quelques sortes sexy.

Elle continua à faire défiler les photos, même après avoir été certaine que l'appareil était à Bill – elle ne pouvait pas imaginer Tom prendre autant de photos. Elle tomba sur une série de photos d'eux deux au lit, faisant des grimaces, puis une autre de Tom près de la porte de sa chambre, faisant encore une grimace.

Sa bouche s'ouvrit en grand quand elle vit la photo qui suivait. Elle continua de les faire défiler. Et de les regarder. C'était Bill, nu et dans une position séductrice. Elle poussa un petit cri et manqua de faire tomber l'appareil photo quand elle arriva à une photo de Bill en train de se branler.

April éteignit rapidement l'appareil et le reposa sur la table, attrapant la télécommande d'une main tremblante. Elle alluma la TV et zappa, à la recherche d'un film décent. Elle ramena ses genoux contre sa poitrine, le cœur battant à cent à l'heure.

Ses yeux tombèrent une nouvelle fois sur l'appareil photo. L'innocente petite machine retenait tellement de secrets cochons.

Les lèvres minces d'April s'étirèrent.

**

* En anglais, l'expression « sleep with » peut vouloir dire « dormir avec » mais aussi « coucher avec », d'où le minuscule quiproquo entre Bill et Tom.