Bill ouvrit les yeux le lundi suivant et jeta un coup d'œil vers la fenêtre. Il neigeait. Pas de la grosse neige, mais les flocons blancs tombaient doucement et il y aurait probablement une fine couche blanche sur le sol quand il sortirait du lit.
Le réveil indiquait qu'il lui restait encore une heure avant qu'il ne sonne et il avait envie de somnoler un peu en attendant. Il se blottit contre le blond, notant dans un coin de sa tête qu'il fallait que Tom lui cherche ses bottes d'hiver. Tom se resserra autour de lui.
Le souffle chaud de Tom caressait la joue de Bill et il referma les yeux, gloussant quand le blond passa une jambe par dessus les siennes en marmonnant dans son sommeil.
Bill tourna la tête pour observer le visage serein de Tom et son cœur se gonfla. C'était sans aucun doute le moment parfait pour une photo. Il se pencha vers le sol et farfouilla dans les poches du jean qu'il avait porté la veille à la fête, à la recherche de son appareil photo. Il fronça les sourcils. Il ne le trouvait pas mais il décida qu'il réessaierait plus tard. Ou encore mieux, il demanderait à Tom de le chercher.
Exactement une heure plus tard, l'alarme du réveil se déclencha et Tom s'assit dans un sursaut, sa tête heurtant le bois de la couchette supérieure. Il tomba en arrière, jurant en se massant le crâne.
« Oh, putain, imbécile. Attends... »
Tom resta allongé, les mains sur son front et il sentit Bill s'éloigner de lui puis l'entendit descendre du lit. La porte s'ouvrit et se referma, puis s'ouvrit et se referma à nouveau. Il sentit ensuite de la fraicheur sur sa tête et il soupira de soulagement.
« On a des bosses à comparer maintenant » marmonna Bill, un sourire visible dans sa voix.
Tom hocha la tête sans un mot, les yeux encore fermés et il leva la main, la posant par dessus celle de Bill qui appuyait la glace contre son front.
« Quand est-ce que les cours commencent? » tenta d'articuler Tom quelques instants plus tard.
Bill soupira et se tourna, ses yeux se posant sur le réveil. Ils étaient restés allongés un moment et sa main était engourdie. « Dans quinze minutes. »
« Merde » Tom se redressa sur les coudes mais Bill le poussa en arrière.
« Tu restes au lit aujourd'hui. Tu dois être fatigué. Tu as faim? Je vais t'apporter à manger. »
« Nan, j'vais aller me prendre quelque chose au distributeur. » Tom ouvrit un œil. « Alors on est... »
« Ensemble? Non. » Bill sourit et sauta en dehors du lit, faisant attention à ne pas se cogner.
« Mais... »
« Mais quoi? Une fille quelconque t'as sucé, je ne vais pas te pardonner aussi facilement » dit sèchement Bill. Il mit son uniforme à la va-vite et quitta la pièce, adorant le fait que Tom soit resté là à le regarder béatement. Il bouscula Georg, qui avait l'air de sortir du coma, sur le chemin.
« Outch, j'ai entendu dire que tu étais au poste de police » dit Bill, haussant un sourcil.
« ...ouais » dit distraitement Georg, les yeux rivés sur ses pieds. Il marchait vite.
« Et? Quelque chose me dit que ce n'était pas la pire partie de ton week-end. »
Georg avait l'air d'hésiter et il jeta un coup d'œil par dessus son épaule afin d'être sûr qu'il n'y avait personne aux alentours.
« C'est Gustav » chuchota-t-il, les joues rouges.
« Qu'est-ce qu'il a Gustav? » Bill en avait déjà marre de cette conversation. D'après ce qu'il savait, Georg et Gustav entretenaient une amitié améliorée et il ne voyait pas pourquoi Georg était mal à l'aise, à moins qu'il n'ait découvert que Gustav avait une IST, ce qui était très peu probable puisque c'était Gustav.
« Il m'a vu avec une fille à la fête » dit Georg, le front plissé.
« ...Et? »
Georg grogna et regarda enfin Bill. « J'arrive pas à le croire. T'as pété une crise à la fête parce qu'une fille était un peu proche de Tom, et là, tu me défends? Merci, mec, t'es bien le seul. »
Bill grimaça. Il voulait oublier cette foutue April. « C'est pas pareil. Premièrement, tu ne sais pas à quel point elle a été 'proche' de lui et ce ne sont pas tes affaires de toutes manières. Secondement, Tom et moi sommes ensemble. Étaient ensemble. Il va devoir ramper auprès de moi. Mais, ouais, toi et Gustav n'avez pas ça. Alors ça fait quoi que tu baises quelqu'un d'autre? »
« C'est plus compliqué que ça » soupira Georg. « Je ne m'attendais pas à ce que tu comprennes. Oublie ça. »
« Ok, ok, putain » Bill roula les yeux. « Excuse-toi alors. »
« Je ne crois pas que ça va suffire. Ce connard m'a enfermé dehors hier soir. »
« Ew, voilà pourquoi t'as une tête de merde. Enfin, t'en es une! » Bill poussa un petit cri aigu et leva les mains quand Georg le fixa d'un œil mauvais. « Sérieux, où as-tu dormis? »
« J'me suis introduis dans le bureau de Jost » marmonna Georg, rougissant. Il remarqua le regard bizarre de Bill et s'expliqua rapidement « Il a un système de chauffage sympa là-dedans! Et un super canapé! »
« Wow, et je pensais que Tom était bizarre. Tu aurais dû détruire cette porte à la seconde où Gustav l'a fermée. »
« Et bien... » Georg avait l'air en pleine contradiction. Il jeta un regard à Bill, le faisant silencieusement jurer de ne rien dire. « Peut-être que je l'ai pris un peu plus sérieusement que ça. Peut-être qu'il y a plus qu'une porte à casser. »
« Huh. » Les sourcils de Bill se haussèrent légèrement. « T'sais, Georg, j'ai toujours pensé que tu étais un peu... sombre. Mais je suis content qu'on ait eu cette conversation. »
« Idem. » Georg ouvrit la porte de la salle de physique, laissant Bill entrer en premier.
« Interrogation surprise! » lança joyeusement Gülcan par dessus le brouhaha de lamentations. « Oh, allez. Revoyons ce que nous avons appris sur les vecteurs! » Elle tenait un paquet de copies et s'arrêta devant Bill. « Où est Tom? »
« Il est malade. »
« Oh, c'est dommage. Il va manquer le test sur les vecteurs! » Gülcan s’éloigna, feignant d’être bouleversée.
Bill baissa les yeux sur son interro et fronça les sourcils, capable de dire d'avance qu'il allait avoir une mauvaise note.
« Une heure, les garçons! » dit Gülcan en s'asseyant à sa table. Elle sortit les copies de la classe précédente et commença à les corriger.
Bill soupira et posa sa tête sur la table, ignorant complètement la feuille de papier. À quelques tables de là, un portable sonna. Le propriétaire du téléphone sursauta et stoppa la sonnerie tonitruante avant que son portable ne soit confisqué.
« Aucun téléphone d'allumé en classe! » cracha Gülcan. « Andreas, éteins moi ça! »
Le blond opina. Une fois le regard perçant de Gülcan tourné ailleurs, il ouvrit son portable avec curiosité et lança un coup d'œil au message. Ses sourcils se haussèrent presque instantanément et il commença à tousser.
« C'est bon. Téléphone. Tout de suite. » Gülcan se leva et arracha le portable des mains du blond avant qu'il ne puisse dire quoique ce soit. « Qu'est-ce que c'est? » Elle regarda l'écran du portable et sa réaction fut la même que celle d'Andreas. « Oh...mon dieu. Euh... »
Bill leva la tête et vit que Gülcan et Andreas le fixaient intensément. Il se demanda s'il avait quelque chose sur le visage et passa ses mains sur sa peau, juste au cas où.
« Qui t'as envoyé ça? » Gülcan fit l'effort énorme d'arrêter de fixer Bill et se concentra sur Andreas, le visage rouge.
« Une fille que j'ai rencontré à...ce week-end » bredouilla Andreas. Son teint était devenu rose.
Gülcan ouvrit la bouche quand un autre téléphone sonna. Son propriétaire regarda le message et cria de surprise. « Putain de merde! Bill, c'est toi?? »
« Hein? » Bill se redressa, le front plissé.
Le garçon se leva et tendit son téléphone, lui montrant l'écran. La photo était petite mais il y avait bien un corps, complètement nu. La bouche de Bill s'ouvrit en grand et il bondit de son siège, arrachant le téléphone des mains du garçon. Il poussa un petit cri aigu quand il reconnut une des nombreuses photos cochonnes qu'il avait prises de lui. Mais c'était impossible, toutes ces photos étaient sur son appareil photo.
Celui qu'il avait perdu.
L'appareil qu'il avait utilisé pour la dernière fois à la fête du week-end dernier.
« Oh, bon dieu » Bill écarquilla les yeux. Il jeta un coup d'œil au garçon à qui était le portable. Celui-ci le regardait sans aucune honte. Sans un mot de plus, il effaça la photo et rendit le téléphone. Il était sur le point de retourner à sa table quand un autre portable commença à sonner.
« Putain de merde! C’est Bill! » Cet élève était plus cru et il hurla de rire, passant le téléphone au garçon à côté de lui. « Bon dieu, c'est dégueulasse. »
Bill n'arrivait pas à parler. Il commença à trembler, là, devant toute la classe. Il remarqua à peine qu'il y avait de plus en plus de téléphones en train de sonner.
« Très bien, tout le monde amène son téléphone ici! » Gülcan bougea ses mains. « Tout de suite! » C'était la première fois qu'elle était aussi énervée. « Si j'attrape encore une seule personne en train de lire un message, celle-ci sera renvoyée. Ces téléphones ne devraient même pas être allumés! »
Après quelques grommelages, tout le monde avait déposé son portable sur le bureau de Gülcan. Tout le monde sauf Bill, qui était encore en plein milieu de la pièce, figé.
« Retournez à vos interrogations! Il vous reste quarante minutes. Allez, allez! Bill, assieds-toi, s'il te plait. »
Bill l'ignora. Il réussit à traîner ses pieds jusqu'à la porte. Chaque élève rit sur son passage, jusqu'à ce qu'il soit sorti de la salle de classe.