Il était évident que Tom finirait par lire le message et quand il le fit, il passa en mode petit ami hyper protecteur, insistant pour accompagner Bill à la clôture afin de dire deux mots au coupable. Bill avait joyeusement accepté, faisant rapidement s'envoler le problème de l'esprit de Tom en posant une main leste sur le sexe à moitié dur de Tom.
Plus tard, après avoir passé la journée au lit à regarder le soleil se coucher depuis leur toute petite fenêtre, Bill se sentait curieusement en paix. C'était plus que du bonheur post-sexe; il ne ressentait ni haine, ni hostilité. Cela faisait très longtemps qu'il n'avait pas été aussi heureux et il n'avait pas envie d'avoir une confrontation qui mettrait en péril l'avenir de Tom (à nouveau).
Alors il fit ce que toute personne raisonnable aurait fait dans cette situation – une fois Tom endormi, il s'extirpa du lit à présent bousillé, s'habilla et enjamba, sur la pointe des pieds, les vêtements éparpillés sur le sol. Bill ferma la porte aussi silencieusement que possible derrière-lui et s'appuya dessus un instant, fermant les yeux et prenant une profonde inspiration.
Je peux le faire , se dit-il avant de partir.
Il faisait nuit dehors mais c'était une nuit assez claire. Bill avait l'impression d'être resté cloîtré dans sa chambre trop longtemps et l'air frais lui fit du bien. La route pour Mädchen était longue mais il s'en fichait. Cela lui laisserait le temps d'éclaircir ses idées.
Tandis que Bill se rapprochait de plus en plus de la clôture, il aperçu une silhouette au loin. Il ne pouvait pas voir qui c'était, puisque la personne était dans le noir, mais il pouvait dire que c'était une fille plutôt petite.
La fille avait dû l'entendre approcher car elle se retourna et Bill vit qui c'était.
« April. » Il s'arrêta à quelques pas d'elle, fronçant les sourcils. Il aurait dû se douter que ce serait-elle – qui d'autre aurait pu faire quelque chose d'aussi immature et cruel?
« Tiens », elle ne le salua pas, préférant lui lancer son appareil photo.
Bill tituba pour l'attraper, son froncement de sourcil encore plus marqué. Il la dévisagea. Elle n'était plus gonflée mais elle avait encore un horrible oeil au beurre noir. Il se sentait mal pour elle, à vrai dire.
« Bon, et bien », Bill s'éclaircit la gorge. Il failli exprimer de la sympathie mais s'en empêcha. Après tout, cette fille avait ruiné sa réputation en un coup de mal et ne s'était pas excusée. « J'y retourne. »
« Attends...c'est tout? » demanda-t-elle, visiblement surprise.
« A quoi tu t'attendais? » toussota-t-il.
April posa une main sur sa hanche, s'appuyant sur un pied. Pour une raison quelconque, elle lui lança un regard mauvais. « Tu ne vas pas me donner de coup de poing? Me tirer les cheveux? Me traiter de pute? »
Bill ne bougea pas, y réfléchissant. Il aurait pu tout faire à la fois et en était affreusement tenté. Mais à quoi bon? April ne regrettait clairement pas ce qu'elle avait fait et ça ne servait à rien d'essayer de la punir pour ça.
À cet instant, Bill réalisa à quel point il avait
changé . S'il avait été confronté à cette situation quelques mois plus tôt, il aurait été plus qu'heureux d'arracher les cheveux d'April – mais à présent, il était bien trop mature pour ça. Il ne lui souhaitait même aucun mal. Honnêtement, il se foutait de ce qui pouvait lui arriver. Après tout, la vie continue.
Bill sourit. La vie continuait parce qu'il avait Tom – Tom, qui sera à ses côtés.
« Je me sens désolé pour toi » lâcha Bill. April émit une exclamation de dédain et Bill l'arrêta en secouant une main. « Non, pas à cause de ton visage. Tu ne t'en rends pas compte? Tu es là, à
me blâmer et à penser de la merde sur moi. Mais franchement, c'est toi. Tu es juste... en colère. J'ai ce que tu ne peux pas avoir. Et que suis-je censé faire? Il est clair que je ne vais pas m'excuser, jamais. »
April le fixait. Bill ne parvenait pas à bien voir son expression mais il était sûr qu'elle ne devait pas avoir l'air très contente, ce qu'il lui avait dit était vrai et ça le satisfaisait plus que quelques coups de griffes.
« Et bien, amuses-toi bien à l'école » cracha-t-elle.
« T'inquiètes pas pour ça. Le monde change rapidement, April. Et toi, et bien tu peux devenir mâture une bonne fois pour toute. Et te trouver un petit ami. »
« Quoi, alors je ne te vole pas le tien? »
Bill rit. « Tu as déjà essayé auparavant, tu te souviens? Et comment cela s'est terminé? Enfin, je m'en vais. Bye. »
Ok, il était peut-être devenu un peu méchant sur la fin. Mais Bill souriait d'une oreille à l'autre alors qu'il rentrait, son appareil photo serré étroitement dans une de ses mains.
**
« Mais où sont encore passés Tom et Bill? » demanda Georg, s'affalant dans sa chaise. C'était une chaude après-midi et la moitié de la population de l'école, lui y comprit, profitait de la météo clémente. Même Gülcan avait insisté pour que le cours de physique soit tenu dehors.
Gustav passa une main sur son genou, là où une bestiole s'était posée. « Ch'ais pas. Dans leur chambre, peut-être? »
« J'les ai pas vu d'la journée » ajouta Andreas, se rallongeant dans l'herbe. Il desserra sa cravate et fit un clin d'oeil à une fille qui marchait par là. Elle rougit et se retourna, faisant quelques pas rapides pour rejoindre son frère, qui était un nouvel élève.
Georg fronça les sourcils, s'affaissant encore plus. Il mit ses mains derrière sa tête et plissa des yeux en regardant le ciel ensoleillé. Des semaines étaient passées depuis l'incident des SMS et Georg n'arrivait pas à comprendre pourquoi Bill continuait de rester caché dans sa chambre après tout ce temps.
« Vous avez entendu ça? » demanda Andreas.
« Quoi? »
On entendit un petit couinement au loin. Andreas l'aurait reconnu n'importe où – il l'avait tellement entendu au début de l'année, s'échappant de la bouche de Bill, soit quand celui-ci était en sport ou alors quand il était en dessous de lui. Et le voilà, Bill. Il marchait près de Tom et s'il n'avait pas reconnu sa voix, Andreas ne l'aurait jamais reconnu.
« Hey, Bill! » lança Andreas, agitant ses bras au dessus de sa tête. Bill le vit et donna un coup d'épaule à Tom, lui disant qu'il avait trouvé leurs amis.
« Bordel de merde, tes cheveux » haleta Georg.
Bill sourit malicieusement, tapotant le dessus de sa tête. Il s'était fait des dreadlocks noires et blanches, plus fines que celles de Tom, mais on voyait clairement d'où lui était venu l'idée.
« Vous aimez? » demanda-t-il timidement, tournant la tête des deux côtés afin qu'ils aient une vue d'ensemble.
« Tes anciens cheveux me manquent » se plaignit Tom. « J'aimais bien jouer avec. »
« Et voilà le moment gênant de la journée » dit bruyamment Georg.
« La ferme » dit Tom dans un sourire. Il donna un coup de coude à Bill. « Enfin, je sais que je suis hyper canon et que tout le monde veut me ressembler, mais tu es allé un peu trop loin. »
« Ouais, tu es un vrai Adonis » Bill roula des yeux. Il se mit à genoux, s'asseyant dans l'herbe en face d'Andreas, la tête levée afin de pouvoir voir Tom. Il retourna son attention sur les autres garçons, toujours en souriant. « Qu'est-ce que vous en pensez? »
« C'est...différent » dit prudemment Andreas.
« Tu as fait ça pour que les gens ne te reconnaissent pas, pas vrai? » railla judicieusement Gustav. Bill eut l'air plaisamment surpris puis hocha la tête. « Ça marche? »
« Oui! » répondit joyeusement Bill. « Maintenant les gens doivent s'y reprendre à deux fois avant de comprendre que c'est moi – je ne me prends plus autant de 'pute' et 'Hey, le mec à poil' qu'avant. »
« Ou alors c'est enfin passé et tu peux enfin profiter? » dit Tom.
« Ce genre de choses ne passent pas comme ça » dit Bill. « Bref, je commence à avoir faim. Qui veut aller déjeuner? »
« Peut-être une autre fois. Georg et moi allons dans cette nouvelle sandwicherie en ville » dit Gustav, arrachant quelques brins d'herbe.
« Oh, on peut venir avec vous. »
« Non. On a des
projets . »
Bill cligna des yeux.
« C'est une façon polie de te dire 'fous nous la paix' » dit Tom.
« Oh.
Oh. Bien. » Bill se tourna vers Andreas. « Et toi? Tu veux déjeuner avec nous? »
« Euh, plus tard. Je dois aller voir le nouvel étudiant. » Andreas eut un petit sourire.
« Il faut que tu arrêtes de jouer avec le coeur des garçons. »
« Qui a parlé de garçon? Tu as vu la soeur de ce mec? Ah, la voilà. A plus! » Et sur ce, il se releva et s'enfuit.
« On va y aller nous aussi » dit Gustav. « Viens, Georg. »
Georg se leva immédiatement, suivant le blond avec obéissance, ne prenant pas la peine de dire au revoir.
Bill laissa échapper un soupire et s'allongea dans l'herbe, étendant ses membres en gémissant légèrement, il ferma les yeux. Il entendit un petit gloussement au dessus de lui et il ouvrit un oeil.
« Qu'est-ce qu'il y a de si drôle? »
Tom lui sourit et posa une main sur sa hanche, le serrant. « Rien. Je pensais juste que tu péterais un câble à cause de l'herbe ou de je ne sais quoi. »
Bill leva les yeux au ciel derrière ses paupières fermées. « Je suis quoi, une sorte de princesse? »
« Oui. Ou... tu en étais une. »
« Et je suis quoi maintenant, p’tit cul? »
« Maintenant tu es... » Tom se pencha, déposant un baiser sur son front. « Tu es Bill. Pour être plus précis, tu es
mon Bill. »
Bill sourit, se sentant inexplicablement heureux d'appartenir à quelqu'un et que quelqu'un lui soit attaché.
Durant toutes ces années, il avait reçu des tonnes de cadeaux – des vêtements de grands couturiers aux gadgets derniers cris. Mais il se rendit compte que l'académie Heisenberg était ce qui lui était arrivé de mieux dans sa vie.
Fin