“The insane, on occasion, are not without their charms”
-Kurt Vonnegut, Jr.
Les longs corridors étaient d'un blanc terne. Ce fut la première chose que remarqua Tom dans la clinique. Des murs blancs et ternes. Et même pas d'un habituel blanc brillant, mais le genre qui est là depuis trop longtemps avec trop peu de lumière du soleil.
Il suivait la femme au travers des couloirs, les mains dans les poches, les épaules voûtées. Il ne voulait pas être là, il redoutait ce rendez-vous depuis plus d'une semaine, mais c'était bien mieux que l'alternative.
« Tous ces sols seront lavés quotidiennement » dit la femme sans se retourner, continuant de marcher rapidement. « La totalité... et cirés une fois par semaine. »
Tom acquiesça, essayant de ne pas prendre conscience de la longueur et de l'ampleur des couloirs, et combien le carrelage devra être frotté.
« Ce sera ta plus grosse responsabilité. Les autres consisteront à vider les poubelles de cet étage et les mettre dans de nouveaux sacs, nettoyer aprés que les résidents aient fini leurs repas et occasionellement nettoyer quelques unes de ces fenêtres. Parfois, j'aurais besoin que tu descendes à la blanchisserie et que tu prennent les linges propres, mais ça sera rare. Nous avons une personne chargée de la blanchisserie. »
La femme stoppa ses pas et se retourna enfin. « Une chose importante. »
« Oua- oui? » Tom s'arrêta dans sa marche, gardant une distance entre la femme et lui.
« Pendant la durée de tes traveaux d'intêret général, celui-ci est le seul étage que tu verras. Les patients de cet étage sont... Ils requièrent une attention spéciale. Ils ne sont pas dangereux, mais je dois te demander d'essayer de ne pas entrer en contact avec un d'eux. » La femme pinça ses lèvres. « Ta condamnation est de douze semaines? »
« Oui, madame. »
La femme hocha la tête. « Mon nom est Kaaren, et tu es? » demanda-t-elle, tendant sa main.
« Tom Trümper, » marmonna Tom. Il serra aimablement sa main, continuant de fixer le sol. « Je commence demain? »
« En effet. » Kaaren consulta le bloc-notes qu'elle tenait et fit une signature dessus. « Tenue correcte exigée et sois ponctuel. As-tu d'autres questions? »
Tom secoua la tête. Il voulait juste sortir d'ici, rapidement.
« Hmm. » Sourit Kaaren. « Ne t'inquiètes pas, ça sera fini avant que tu ne t'en rende compte. Essaye de retirer quelque chose de ce... Ne serait-ce que comment cirer les sols. »
« Ok » dit automatiquement Tom.
« C'était juste une blague, détends toi » dit Kaaren, touchant brièvement l'épaule de Tom.
« Je suis vraiment mal à l'aise » admit Tom.
« Je sais. Mais tu vas t'y habituer. Et comme je l'ai dit, tu n'es pas conseillé de parler ou d'entrer en contact avec les patients. Apportes juste des écouteurs, évades toi pendant que tu laves le sol, » dit Kaaren. « Les changements de services viendront plus vite. »
Tom fronça les sourcils. « La personne qui me conduit m'attend. »
« Ok. Passe une bonne nuit et à demain matin, » lui dit Kaaren.
« Ouai, 'revoir » Tom s'agita un peu et s'éloigna, essayant de se rappeler le chemin. Il passa par plusieurs portes fermées et quelques une ouvertes aussi. Il put voir quelques résidents fixant avec des yeux vides la télévision ou les fenêtres.
Il ne pouvait pas réellement les regarder; ils semblaient dérangés, fous, psychotiques. Certains des résidents étaient très vieux, et certains ne semblaient pas être beaucoup plus vieux que Tom.
Cela le rendit incroyablement mal à l'aise et il se demanda s'il arriverait à effectuer l'integralité de ses travaux d'intêret général. Douze semaines c'était long pour Tom, presque une durée de vie. Il était soulagé de ne pas être obligé de parler à l'un d'eux. Tom se souvenait de la période où son propre grand-père avait commencé à perdre la mémoire, et ça avait été affreux. Il n'avait pas été capable de lui rendre visite pendant un moment. Son coeur se brisait à chaque fois qu'il voyait l'état de son grand-père se déterriorer juste un peu plus.
Il pouvait sentir son coeur se briser de nouveau, en voyant ces gens. Il commençait à virer empathique, tirant sur une corde à l'intérieur de lui qu'il ne pouvait ignorer.
Tom traversa une salle commune où dix résidents ou plus étaient assis, dormaient, regardaient la télévision ou lisaient. Ils semblaient plutôt normaux, quelques uns parlaient même entre eux, et regardèrent Tom quand il arriva. Tom leur fit maladroitement un signe de tête, soucieux de ne pas trop créer de contact, mais ne voulant pas paraître cruel non plus.
Il était sur le point de quitter la piéce quand il vit une fille avec des cheveux noirs, assise en tailleur, comme les Indiens, dans un coin, recroquevillée sur elle même, ses cheveux tombant comme des rideaux autour de son visage. Elle berçait quelque chose dans ses bras, et se balançait légèrement, se courbant de temps en temps. Elle était très mince, sa peau était pâle et elle était pieds nus.
Une infirmière alla vers elle et lui tapota l'épaule et quand elle leva les yeux, Tom vit qu'elle avait une cicatrice sombre sur la joue. Dans ses bras, il y avait une poupée, une vielle poupée en forme de bébé, et elle la tenait comme ci sa vie en dépendait. L'infirmière tira doucement son bras, disant quelque chose et la fille s'éloigna, se recroquevillant et cachant son visage de nouveau. L'infirmière se contenta de soupirer, déposant une paire de chaussons à côté de la fille et partit.
Tom la regarda pendant encore un petit moment et se rappela que quelqu'un l'attendait. Il quitta rapidement les bâtiments et chercha la voiture de sa petite amie. Elle appuya sur le klaxon et Tom sourit, montant à l'intérieur.
« Hey » dit il, se penchant sur elle pour l'embrasser.
« Comment c'était? » demanda Brigitte, sa petite amie.
« Ca va être chiant » soupira Tom, tombant lourdemant sur son siège, tirant sur la ceinture de sécurité sans l'attacher. « Douze putains de semaines de merde »
Brigitte lui lança un regard compatissant. « Je suis désolée. »
« Nan. » Tom prit sa main et alluma la radio, fermant ses yeux. « Je vais devoir y être à... putain... sept heures du mat'. »
« Je te conduirai » dit Brigitte. « Mais je ne peux pas le faire tous les jours; »
« Je sais » répondit Tom, se sentant rougir. « Je le ferais moi même si je pouvais. »
« Je sais, ne parlons plus de ça. » dit rapidement Brigitte. Elle sourit un peu à Tom et il grogna. « Oh, allez. Tu y arriveras. »
« J'ai fait une
erreur. » grinça Tom
« Je ne pense pas que ça en était une. »
Brigitte sortit du parking de l'institution et, ils restèrent silencieux et tendus jusqu'à la maison de Tom.
**
Tom passait doucement le balai sur le sol, hochant sa tête au rythme de la musique diffusée dans ses écouteurs. Il nettoyait les sols depuis presque deux heures, et il n'était même pas midi. Son estomac grondait et il était fatigué. Il n'avait pas beaucoup dormis la nuit précédente parce qu'il avait été anxieux depuis le matin.
Il s'était réveillé plusieurs fois dans un état de panique, ayant peur d'avoir loupé le réveil, mais à chaque fois qu'il avait regardé l'heure, cela ne faisait que quinze minutes de plus depuis la dernière fois.
Les couloirs semblaient s'allonger toujours plus, sans avoir de fin et Tom essayait de faire de son mieux dans l'espoir qu'ils raccourciraient de quelques semaines ses travaux d'intêret général. Il était extremement méticuleux dans son nettoyage. A chaque fois que quelqu'un marchait sur un carrelage, il le nettoyait tout simplement à nouveau, deux fois plus jusqu'à ce qu'il scintille presque.
Bien sûr, rien ne scintillait dans cet endroit. Tout était de seconde main, morne et terne.
Tom atteint enfin le bout d'un couloir et enleva ses écouteurs, regardant le sol avec un demi sourire, la mine satisfaite. Il était fier. Le travail était monotone mais au moins il le faisait bien, et il avait un contrôle entier dessus.
« Quand tu laves le sol, c'est comme si c'était un mirroir »
Tom leva les yeux. La fille qu'il avait vu la veille se tenait face à lui, mais ce n'était pas du tout une fille. C'était un grand garçon dégingandé, avec de longs cheveux noirs et un visage très pâle. Il portait un large pantalon de pyjama et un tee shirt délavé. Il était grand, aussi grand que Tom, et devait avoir le même âge que lui. Ses yeux étaient d'un brun profond. Il y avait des traces de maquillage noir sur son visage.
« Pardon? » dit Tom, regardant immédiatement ailleurs.
« Je peux voir mes pieds d'dans. » Le garçon traîna ses pieds, toujours nus et jeta un coup d'oeil autour d'eux. « Les autres mecs de l'étage ne le font pas vraiment briller, je ne pense pas que c'est vraiment... Je ne pense pas que le sol devrait briller. »
« Peut-être que si. » Tom haussa les épaules et commença à s'éloigner, mais le garçon resta derrière lui.
« Il me fait mettre des chaussures » dit-il. « Chaussons, plutôt. Je hais les chaussons. Et les chaussures. Les chaussettes c'est le pire. »
« Quoi? » Tom s'était raidi sur son balai et il regarda en bas du couloir. Il pouvait voir Kaaren, et il avait peur d'avoir des ennuis. Pour ne pas travailler et pour « être entré en contact avec un résident. »
« Tu aimes les chaussettes? » Le garçon fit un grand sourire. « Attends, ouais, tu aimes. Tu portes des chaussures et tout. »
« Ca ne veut pas dire que je les aime » dit Tom, sur la défensive.
« Mais tu les
portes. »
« Le sol est sale. »
« Plus maintenant. Maintenant je peux juste... » Le garçon frotta son gros orteil sur le carrelage. « Oh, merde. J'ai tellement faim, pas toi? »
« Un peu » commença Tom
« Non, pas toi » l'interrompit le garçon. C'est à ce moment là que Tom remarqua que le garçon avait encore la vieille poupée contre son torse, la même qu'il dorlotait la veille. Il la berça un peu dans ses bras et sourit. « Tu as faim? »
Tom devint mal à l'aise. « A plus »
« On va chercher à manger, miam » disait le garçon pendant que Tom marchait vers un autre couloir.
Tom secoua sa tête, frictionnant sa nuque, et remit ses écouteurs. Il était légèrement secoué; le garçon aux cheveux noirs avait semblé plutôt normal mais...
Mais il avait commencé à parler à une poupée et ça rappela à Tom qu'il était en train de nettoyer les sols d'une clinique psychiatrique.
Tom aurait dû se rappeler qu'il devait juste ignorer ce qu'il se passait. Il était là pour des travaux d'intêret général et rien de plus.
**
Brigitte attendait dans la cuisine de Tom, le regardant enfouir un peu de nourriture dans son sac pour la journée.
« Ca fait beaucoup de cochonneries » dit-elle sévérement .
Tom fixait son sac, il était rempli de divers cookies, donuts et de trois sodas. « Ouais? »
« J'aimerais avoir ton méthabolisme » observa Brigitte
Tom haussa les épaules et ferma la fermeture éclaire de son sac.
« On devrait y aller, on est en retard » dit Brigitte, pointant la porte avec ses clefs.
« Donc je serais en retard » dit Tom. « Ce n'est pas un gros problème. »
Brigitte fronça les sourcils. « C'est une attitude de petit merdeux. »
« Pas d'humeur » marmonna Tom
« Pour quoi? Tu penses qu'ils vont raccourcir ta condamnation si tu te pointes une demie heure en retard chaque matin? »
« C'est seulement arrivé quelques fois et ouais » répondit Tom « Ils m'aiment bien là bas. »
« Tu disais que personne ne te remarquait » dit Brigitte
« Qu'importe. J'ai dit que ça irait. » dit Tom, roulant ses yeux et se dirigeant vers la porte. « Tu vois, regarde. Je suis prêt. Maintenant tu es celle qui est en retard. »
Brigitte laissa échapper un gros soupir. « Ok, Ok. »
Tom lui tint la porte et elle le fixa en sortant. « Hé » dit Tom, courant aprés elle dés qu'il eut fermé la porte à clef. « Hé, Brige! »
« Quoi? » Elle se retourna, fronçant les sourcils.
« Je suis désolée. » dit docilement Tom. « Vraiment. Je suis juste énervé. »
« C'est seulement ta première semaine, » répondit Brigitte. « Est-ce que ça va empirer? »
« Qu'est-ce que ca fait si c'est le cas? » soupira Tom. « Peux-tu juste... essayer d'être là pour moi? J'ai foiré, ca craint, je suis énervé. Laisses moi être énervé contre moi même. »
Brigitte resta face à lui un moment, et puis s'adoucit. « Ok. Mais tu me prendras un café sur le chemin. »
Tom l'embrassa et ils entrèrent dans sa voiture. Il attrapa sa main sur la console, ses doigts étaient tendus, mais il massa quand même ses articulations. Il s'enfonca dans son siège, regardant par la fenêtre pendant qu'ils conduisaient vers la clinique. Il redoutait ce jour, bien sûr. Les heures de services ne semblaient jamais prendre fin et il ne supportait plus la musique de son i-pod.
Et le pire était qu'il ne pouvait y échapper. Il ne pouvait dormir à cause de cela, il ne pouvait avoir aucun arrêt maladie.
Quand ils arrivèrent, Brigitte embrassa Tom et Tom tressaillit légèrement; son haleine sentait le café et cela le rendit un peu nauséeux. Il s'éloigna d'elle et sortit de la voiture, aggripant déjà son sac pour en sortir un de ses sodas.
« Putain. » murmura-t-il, faisant face à la clinique. C'était un bel endroit. Un peu terne, un peu morne, mais les bâtiments étaient de style classique et imposants, et vieux. Ses doigts le démangèrent. Il aurait tué pour une cigarette, rien qu'une taffe, mais il était absolument hors de question de fumer dans l'enceinte de l'établissement et il avait presque dû arrêter de fumer du jour au lendemain pour ne pas avoir d'ennuis au boulot.
Kaaren était assise au bureau de la réception de l'étage où Tom travaillait. Elle sourit alors qu'il passait la porte de sécurité, riant pendant que Tom maudissait le système de code d'accès.
« Tu vas t'y habituer, je te le promets. » dit-elle, sortant de derrière le bureau. Elle n'était pas une vieille femme, mais elle n'était pas jeune non plus. Elle avait un visage doux, agréable. Il rappelait à Tom le visage de sa mère. « Comment ça s'passe? »
Tom fronça les sourcils, elle lui rappelait sans aucun doute sa mère. « Ouais, ça va. » dit-il. « Où sont mon balai et mon seau? »
« On a de nouveaux trucs à faire pour toi aujourd'hui, et ensuite tu pourras avoir ton balai et ton seau, » dit Kaaren, riant à nouveau. « Puisque que tu as un faible pour eux. »
Tom haussa les épaules. « Quels nouveaux trucs? » L'idée de quelque chose de different l'intriguait.
« Tu sais faire la lessive? »
**
Tom grogna, fermant la porte du séchoir et jeta le gros panier à linge sur le sol. Il pensait qu'il ne pouvait pas y avoir pire que balayer et laver. Il prit son sac de nouveau et pris son deuxième soda, l'ouvrant avec son pouce.
« Ne les laisse pas t'attraper à boire ça ici »
Tom se glaça. Il leva les yeux, avalant une petite gorgée, et vit un jeune homme.
« Quoi? » demanda-t-il bêtement.
« Ce n'est pas autorisé, » dit l'autre garçon, roulant ses yeux et faisant courir ses doigts le long de ses longs cheveux bruns. Il les lança en arrière et tandis sa main. « Je suis Georg. »
« Tom » marmona Tom, posant sa canette par terre et serrant la main de Georg. « Euh. Alors, quoi? »
Georg rit. « Une fois j'ai été vu à déjeuner ici »
Tom grimaça. « Mauvais? »
« Le pire. Non, franchement » dit Georg, souriant. « Ils m'ont juste un peu engueulé. C'était plus embarrassant qu'autre chose. J'te préviens juste histoire que tu le saches. »
« Merci » répondit Tom, rassuré. « Putain, je peux plus rien faire dernièrement. »
« Sans déconner?»
Tom secoua la tête. « Oh.. Oh, euh. Tu ne, euh... travailles pas ici, n'est ce pas? »
« Si, je travaille dans les cuisines » répondit Georg. « Je descends ici pour fumer. »
« Vraiment? » s'étonna Tom, l'inscrivant rapidement dans sa tête.
« Ouais. Toi? »
« Je travaille... au cinquième étage. » dit Tom, frictionnant sa nuque. « Je lave les sols. »
« Oh, merde. Le cinquième? » Georg fit une grimace. « Comment c'est? »
Tom haussa les épaules. « Ennuyant. »
« C'est vrai? » Georg expira doucement. « J'apporte le déjeuner là haut les week-ends. Je déteste ca. »
« Pourquoi? »
« Parce que... Tu sais. Les gens qui ne sont pas réellement...
là »
Tom regarda ailleurs. « Je n'ai pas vraiment remarqué. »
« Il y a de sacrés personnages là haut, quand même » dit Georg; « J'en connais certain. Ceux qui savent ce qui se passe, bref. »
« Ouais » répondit Tom, devenant mal à l'aise. « Hé, j'ferais mieux d'y aller. »
« Moi aussi » Georg hésita. « Tu seras encore ici une autre fois? »
« Probablement. »
« Cool. On fumera la prochaine fois » sourit Georg. Il sortit un petit sachet de ses poches et les yeux de Tom s'écarquillèrent. « Ouaip, c'est de la bonne. Je vais te rendre cool et défoncé. Le cinquième étage ne semblera plus aussi terrible aprés ca. »
« Tu fumes du shit ici? » Tom regardait bouche bée le sachet.
« Bien sûr, pourquoi pas? Je suis toujours défoncé. »
« A plus » fut tout ce que dit Tom alors qu'il partait, ahuri. Il fumait fréquemment de l'herbe avec son meilleur ami Andreas, mais il avait peur rien qu'en buvant un soda dans la blanchisserie. Il ne pouvait s'imaginer défoncé au travail.
Ou peut-être pouvait-il.
Il soupira en rentrant dans l'ascenceur miteux qui l'emmena jusqu'au cinquième étage. Il se sentait déjà énervé et il aurait pu tuer pour un peu de l'herbe de Georg. Quand l'ascenceur s'arrêta au cinquième, le clavier numérique s'alluma pour le code de sécurité.
« Un-cinq-sept-cinq » marmonna Tom, appuyant sur les touches. La lumière devint rouge et refusa de le laisser passer. « Merde. Bon. Un-cinq-sept-un. » Rouge. « Putain. Cinq-sept-un... »
La lumière resta rouge et il jura, donnant un coup de pied contre la porte. À ce moment là, la porte s'ouvrit, et Kaaren se tenait là, les bras croisés.
« J'ai un job pour toi » dit-elle en guise de salutations.
Tom se contenta de grogner.
« Oh, arrêtes ça. Tu ne sais même pas encore ce que c'est. » Kaaren roula ses yeux. « T'veux laver quelques fenêtres? »
« J'adorerais. »
« Bien, ça marche, puis » dit Karren, semblant ignorer l'attitude de Tom. « Viens, je vais te donner tout le matériel. »
Tom la suivit dans le couloir, jusqu'à une fenêtre. Il grimaça, elle devait faire plus de trois mètres.
« Ca c'est pour toi » dit brusquement Kaaren, désignant la fenêtre. « Voilà un seau et un chiffon pour les laver. Ne te blesse pas. »
Tom acquiesça. « Merci. »
« Bien sûr. »
Il la regarda s'éloigner et grogna à nouveau. Son estomac gargouillait bruyamment et il savait qu'il ne pourrait pas avoir son déjeuner avant d'en avoir fini avec cette fenêtre de la taille d'un mammouth. Il secoua sa tête, se penchant pour attraper le seau et fixa les imposantes vitres.
Juste au moment où il allait commencer, il vit le reflet de quelqu'un s'approchant de lui dans la vitre.
« Vas-tu les faire briller aussi? »
Tom regarda par dessus son épaule. C'était le même enfant que l'autre jour, celui avec les cheveux noirs qui parlait à une poupée. Tom poussa un léger soupir et se retourna vers la fenêtre.
« Bonjouuur... »
Tom restait concentré sur la fenêtre et fit glisser le chiffon humide sur une des vitres chaudes, grinçant ses dents. Il sentait la présence du garçon derrière lui et il se demandait s'il était assez fou pour savoir s'il était ignoré ou non.
« Les sols sont de nouveau sales » continua le garçon. « Sales, sales, sales. Oh, et l'autre gars était partit pour les nettoyer mais je préfére quand c'est toi qui le fait parce que je ne pense pas qu'il fasse réellement attention à bien nettoyer le sol. Je dois porter des chaussures. »
L'eau savonneuse glissa sur la vitre et Tom la stoppa et l'étala avec le chiffon.
« Et les chaussures sont... Et bien, elles ne sont pas si mauvaises. » fredonna doucement le garçon, une chanson presque reconnaissable pour Tom. Aprés quelques temps passés à fredonner, il se stoppa et resta silencieux un long moment.
Tom continuait de laver les vitres, sans oser se retourner. Il n'abandonnerait pas, mais il semblait que l'autre garçon non plus.
Il recommença à fredonner, plus fort cette fois. « Oh, ouais. Je connais ton prénom Tom. J'ai entendu Kaaren parler de toi. »
Les épaules de Tom se tendirent.
« Tu viens tous les jours? Parce que je ne te vois pas. Je vois l'autre mec, il est genre de ton âge. Gustav, je crois que c'est son nom. Il n'est pas gentil. Pas comme toi. »
« Tu penses que je suis gentil? » Tom céda enfin et se retourna. Le garçon aux cheveux noirs serrait la poupée en forme de bébé fermement et son maquillage autour des yeux était grossièrement fait. Il portait un tout petit tee-shirt, son ventre juste légèrement exposé, et Tom vit le bout d'un tatouage en forme d'étoile dépasser de son bas de pyjama.
Le garçon fit un grand sourire. « Je ne sais pas. »
« Merde. » Tom se retourna, feignant ne jamais avoir parlé, et retourna à sa tâche.
« Merde. » répéta le garçon. « Je suppose que tu es forcé d'être ici pas vrai? Qu'est ce que tu as fait? »
« Rien » marmonna Tom.
« Ce Gustav a dit ça, aussi. Mais ensuite j'ai trouvé qu'il avait eu des ennuis en, euhh, tagguant quelque chose sur un mur. Je sais pas, je pense que ça disait putain ou merde ou chatte ou bite ou quelque chose d'aussi grossier... »
« Bill! Te voila! » Tom regarda par dessus son épaule une nouvelle fois et vit Kaaren marcher rapidement vers eux deux.
« Salut, Kaaren » répondit le garçon aux cheveux noirs, Bill. « Comment vous allez? »
« Bill, tu as laissé tout ton déjeuner. J'étais inquiète, et tu as laissé tes chaussures, aussi. » dit Kaaren, fronçant les sourcils. « Tu dois me le dire quand tu t'en vas. »
« Je parlais juste à Tom » dit innocemment Bill.
« Ah bon? » Kaaren regarda Tom, et Tom haussa les épaules.
« Je lavais juste les vitres » dit Tom.
« Hm. Bill ne t'harcelait pas? » Kaaren regarda brusquement Bill.
« Bon dieu, j'étais seulement en train de demander quelque chose à Tom. » dit bruyamment Bill.
Tom jeta un coup d'oeil à Bill. Bill serrait si fort sa poupée que ses veines ressortaient.
« C'est faux » dit faiblement Tom. « Il ne me demandait rien. »
« Trou du cul » murmura Bill.
« Bill » dit Kaaren, avec un ton qui sonnait comme un avertissement. « Viens. »
Elle tira le bras de Bill et celui ci aboya, la regardant furieusement. Il avait presque fait tomber la poupée. « Vous savez que vous devez tenir le cou et la tête d'un bébé quand vous en portez un » dit-il séchement.
« Bill... »
« Elle est fragile. » répondit Bill avec arrogance. « Tellement fragile putain, et vous l'avez presque blessée. »
« Je suis désolée » dit gentiment Kaaren. « Je ne voulais pas blesser... »
« Gabi » dit Bill. « Son prénom est Gabi et c'est une gentille petite fille. »
« Ok » Kaaren posa doucement son bras sur Bill et le guida plus loin, doucement. « Désolée pour ca, Tom. »
« Pas de soucis » dit doucement Tom, les regardant s'éloigner. Bill regarda par dessus son épaule et lança un sourire étincelant à Tom. Tom grimaça en retour.
Il avait un tas de fenêtre à laver et il ne pouvait plus attendre pour partir d'ici.
**
La mère de Tom, Simone, posa une assiette en face de son fils et Tom hocha la tête, lui souriant avec reconnaissance. « Merci, maman. »
« Mange, ça va être froid. On t'attendait à la maison pour plus tôt » dit Simone de façon tatillonne.
« Désolé, je lavais des sols. Tellement de putains de sols. »
« Tom » gronda Simone. Elle s'assit à table, en face de Tom et soupira. « Gordon ne sera pas à la maison ce soir. »
« Ah? » Tom fourra un gros morceau de steak dans sa bouche. C'était froid mais ça avait un goût extraordinaire.
« Nan. Il doit travailler jusque tard dans la nuit. Donc, bien sûr, il rentrera à la maison très tard. » dit Simone.
« Donc? »
« Donc, je sais pas, Tom. Je voulais juste te faire savoir ce qu'il se passe dans la maison. » Simone fronça ses sourcils. « Tu n'es même pas réellement présent. »
« Je suis tellement fatigué » répondit Tom, fixant son assiette. « Désolé, maman »
« Ils te font travailler dur? »
« Ouais, en effet. »
« Bien » dit fermement Simone.
« Putain, maman » marmona Tom, lâchant sa fourchette sur son assiette.
« Je pense juste que c'est normal. » Simone se dirigea vers Tom et caressa une des dreads de son fils. « Elles deviennent si longues. »
« Mm » approuva Tom.
« Bon, je vais au lit. Ne reste pas encore debout toute la nuit. Si j'entends des jeux videos ou des bruits de touches de portable ou ta voix aprés minuit... »
« Tu n'entendras pas. »
Simone leva les yeux au ciel et se leva. « Bonne nuit, mon coeur. »
« 'nuit »
Tom fixait son diner, n'ayant soudainement plus faim du tout.