There is always some madness in love. But there is also always some reason in madness.
-Friedrich Nietzsche
Simone posa une main sur la jambe de Tom, souriant avec fierté. « Je suis fière de toi, Tom. »
« Je souhaite que les personnes du centre s’en sortent. » répondit rapidement Tom.
« Bien, tu es vraiment passé à travers tout ça » lui dit Simone. « Tu as persévéré. Tu as travaillé et ça a payé en retour. Je n'arrive toujours pas à croire qu'ils t'aient laissé partir si tôt! »
Tom haussa lourdement les épaules. Il se sentait engourdi de partout, piégé.
« Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant? » lui demanda sa mère.
« Bordel, Maman, je sais pas » dit Tom. « Je viens seulement de quitter la clinique ce matin... Je pourrais difficilement avoir déjà un plan de vie. »
Simone fronça les sourcils. « Tu dois commencer à y penser. Brigitte va être contente de t'avoir à nouveau. »
« Elle m'a plaqué. »
« Oh. » Simone baissa la tête et fixa ses genoux, figée. « Je suis désolée d'entendre ça. »
« Je ne le suis pas. » Tom s'enfonça dans le siège et soupira. Son corps était douloureux et son coeur brisé. Sa mère n'avait vraiment pas idée. Personne n'avait idée.
Bill ne faisait plus parti de la vie de Tom pour son bien. Il n'y avait aucun moyen pour qu'ils se retrouvent à nouveau. Tom aurait dû l'accepter. Il espérait, qu'avec le temps, il pourrait oublier tout ce qui était arrivé. Il espérait que rien de tout cela ne soit arrivé. Il avait massacré des choses, lui-même et Bill.
La dernière chose qu'il voulait ressentir pour Bill était le regret, et pourtant il en avait. Comment avait-il pu être si peu attentif?
« Je vais au lit » dit Tom.
Simone le regarda, surprise. « Mais, il est tôt, j'ai pensé qu'on pourrait commander une pizza ou regarder un film. »
« Je suis fatigué. » Tom n'arrivait pas à se sentir coupable de la façon dont le regardait sa mère, déçue. Il ne voulait être avec personne. Il avait besoin d'être seul.
« Bien, ok » répondit doucement Simone. « Tom... Est-ce qu'il s'est passé quelque chose? »
Tom haussa à nouveau les épaules, fixant le sol. « Je ne sais pas. »
« On peut parler. »
« Non, pas envie » marmonna Tom avant de quitter la pièce et de monter à l'étage. Il s'enferma dans sa chambre et s'assit sur son lit, encore défait du matin précédent. Il s'allongea et enfonça sa tête dans les draps, y respirant l'odeur. Ça sentait comme Bill. La respiration de Tom se coinça dans sa gorge et il laissa échapper un léger sanglot, enfouissant encore plus profondément sa tête dans les draps.
Il devait avancer, il devait oublier tout ça. Il devait assumer ses actions pour une fois. Il devait mûrir. Son monde entier était tombé durant les mois précédents, et personne ne l'avait remarqué hormis lui.
Tom s'assit et ferma ses yeux, prenant une nouvelle inspiration profonde. Il expira lentement, ouvrant ses yeux, se sentant tellement fatigué.
Cela prendra du temps, de refaire sa vie, mais il n'était pas sûr de son coeur.
**
Trois mois plus tard
Il y avait un froid mordant dans l'air alors que Tom roulait à travers des routes sinueuses, sa fenêtre ouverte. Il fumait une cigarette et cela brûlait l'arrière de sa gorge. L'hiver était dans l'air, même si on n'était qu'au début de Novembre. Il allait venir tôt cette année.
Il finit sa cigarette et la jeta par la fenêtre. Il la vit rebondir sur la route dans son rétroviseur, volant dans l'air glacé. Il remonta sa fenêtre et souffla un peu sur ses mains pour les réchauffer, créant un peu de buée sur la vitre.
Il était sur le chemin de l'aéroport à chez lui. Il venait juste d'aller à Londres, voir Andréas. Le week-end pouvait se résumer à beaucoup d'alcool et d'herbe, pile le genre de bon temps dont avait besoin Tom. Son esprit avait besoin de s'évader, se déconnecter.
Son coeur battait encore pour Bill. Il ne l'avait pas oublié, et n'avait pas essayé de se remettre de l'étrange garçon. Il avait passé les mois derniers dans une stupeur, essayant d'oublier, essayant d'enfin passer un jour sans penser à Bill.
C'était impossible. Tom était complètement perdu sans Bill, ne pouvant l’enlever de sa tête et ne le voulant même pas. Son dernier souvenir de Bill, penché sur sa poupée, ayant l'air si petit et perdu, le hantait quotidiennement. Il pouvait encore goûter les lèvres de Bill, il pouvait encore sentir le corps nu de Bill sous lui. Il pouvait encore sentir l'odeur de Bill et sa douce nuque.
Tom secoua sa tête et prit un virage. Il était partit depuis si longtemps, mais la route lui était encore familière. Il roula sur les mêmes routes, prit les mêmes virages.
Assez de temps était passé; il savait, il espérait qu'il ne serait plus rejeté.
Quand il entra dans le parking de la clinique, la première chose qu'il remarqua fut à quel point c'était différent et terne. L'endroit n'avait jamais étincelé ou autre, mais là cela avait juste l'air sombre, triste, abandonné.
Tom gara sa voiture et marcha lentement vers la porte d'entrée du bâtiment. Il n'était jamais passé par l'avant; il avait toujours utilisé l'entrée arrière. L'entrée de devant était pour les visiteurs.
Aujourd'hui, Tom était juste un visiteur.
Il passa le bureau de sécurité et alla, hésitant, vers l'ascenseur des invités. Il était tellement habitué à utiliser l'ascenseur de service. L'ascenseur des visiteurs était très différent d'après lui, plus propre et plus petit.
Il jeta un coup d'oeil à sa montre. Il était tard, presque l'heure du crépuscule. Il savait que Kaaren ne travaillait pas à ces heures-ci.
Quand l'ascenseur atteint le cinquième étage, Tom entra le vieux code de sécurité et entra au cinquième étage. Il prit une profonde inspiration. Ça sentait encore pareil; le renfermé, aigre, lourd. Les sols étaient sales et la lumière passait à peine à travers la fenêtre pleine de tâche.
« Merde » murmura-t-il, marchant lentement dans le couloir. Il passa devant quelques infirmières vaguement familières avec qui il avait une fois travaillé, et il hocha fermement la tête en leur direction. Elles hochèrent poliment la tête en retour, ne le reconnaissant pas.
Finalement, Tom atteint une porte familière. Il n'y avait aucun papier accroché dessus, et ce n'était pas fermé. C'était à peine ouvert, quelques rayons de lumière naturelle s'en dégageant. Tom s'arrêta devant, son estomac se tordant.
Il avança de quelques pas et toucha la porte, la poussant à s'ouvrir. Elle craqua bizarrement. Tom entra à l'intérieur et regarda autour de lui.
La chambre était vide. La chambre de Bill était complètement vide. Où il y avait eu un jour des vêtements, des draps propres, un lit fait, et une fausse plante, il n'y avait rien. Juste des murs vides, un lit nu, des rideaux ternes et une chaise.
Bill était parti.
Tom laissa échapper une expiration tremblotante. Il n'était pas préparé pour ça. Il avait imaginé des milliers de scénarios dans sa tête depuis ces derniers mois, s'accommodant à chacun d'eux. Mais il n'avait jamais pensé que Bill ne serait juste pas là.
Il s'assit sur la chaise et se pencha en avant, stoppant sa respiration. C’était comme s’il s’était fait arracher les tripes et frapper avec. Il était perplexe. Il fixa intensément le sol, essayant de se calmer, essayant de régulariser sa respiration.
Puis il leva la tête et vit quelque chose dans un coin, assise sur une étagère. C'était la vieille poupée avec une robe trouée et des cheveux emmêlés. La poupée de Bill.
Tom se leva et alla vers l'étagère, se saisissant de la fine poupée. Il la pressa contre son visage, souriant un peu, pensant que la poupée sentait encore comme Bill. Il soupira et abaissa la poupée, la serrant entre ses doigts, et un petit bout de papier s'échappa de la poche de la robe de la poupée. Tom fronça les sourcils et s'accroupit, louchant dessus.
Tu m'as sauvé.Que le mot soit pour la poupée ou pour Tom, il ne le sut jamais. Tom serra la poupée contre lui, regardant au dehors, par la fenêtre. Dehors, les saisons changeaient, la vie changeait.
Quelque chose à l'intérieur de Tom avait définitivement changé pour toujours.