Chapitre 1

Tom remuait impatiemment ses pieds, enfoncé dans sa chaise, ses mains sur les accoudoirs pendant que Jorg regardait Bushido nerveusement.

« Activités en gang, usage de drogues, fume et boit sur le campus, vandalisme, graffitis, met des punaises sur la chaise du professeur... Qu'est-ce que c'est ça, espionne le vestiaire des filles? » Bushido soupira et secoua la tête, regardant septiquement Tom par dessus la liste.

Il observa l'apparence de l'adolescent, l'analysant : de longues et sales dreadlocks blondes, de multiples casquettes ainsi qu'un bandeau, un piercing sur la lèvre inférieure, et des vêtements énormes. Bushido lui-même n'avait pas la plus clean des apparences, avec sa barbe de plusieurs jours, ses cheveux rasés, et ses multiples tatouages, mais ses yeux étaient comme scotchés par l'apparence de Tom. Il regarda à nouveau Jorg. « Vous pensez réelement que ce pensionnat lui fera un bien quelconque? »

« Oui » Jorg hocha la tête d'un air sévère, jetant un regard à Tom. « Il a besoin de discipline. Il a besoin d'être entouré de vrais hommes et de voir comment le monde fonctionne vraiment. »

Franchement, Bushido ne savait pas quoi dire. Étant éducateur à l'Académie Heisenberg, un pensionnat pour garçons, il avait vu un tas de personnages intéressants. Mais ce Tom avait l'air d'un vrai petit merdeux, du genre à pouvoir créer des embrouilles.

Mais encore une fois, Bushido ne s'en souciait pas vraiment. En toute honnêté, il détestait ce boulot – il haissait les professeurs, il haissait les parents, il haissait travailler dans un bureau, et surtout, il haissait les adolescents. Mais bordel, ce boulot lui payait un toit sous lequel vivre et de la nourriture à manger, alors il se plaignait rarement.

« Envoyez son dossier scolaire et je lui trouverai une chambre et un uniforme » Bushido hocha la tête. Il se tourna vers Tom. « Tu ferais mieux d'y mettre du tien, p'tit. À Heisenberg, tu n'as qu'une chance, et c'est tout. »

« Tom? Tu as quelque chose à dire? » grogna Jorg.

« Ouais. Où sont les toilettes putain? J'dois aller pisser. »

Bushido soupira bruyamment.

**

2 mois plus tôt

Bushido commençait à griffonner distraitement sur son papier tandis que la femme aux cheveux frisés devant lui parlait encore et encore.

« ...ils l'ont attrapé en train de vomir dans les WC de l'école, et puis la semaine d'après, il n'a pas arrêté de vomir! » Simone tortilla ses doigts. « Mon pauvre bébé... c'est là que j'ai réalisé qu'il n'avait jamais été entièrement content de lui, qu'il pensait qu'il n'était pas assez bien. Qu'il était... boulimique. »

Bushido s'empêcha de rire. Pour lui, la boulimie était une maladie qui touchait seulement les filles.

« Et qui peut lui en vouloir! Notre société d’aujourd'hui... Avez-vous vu les filles de nos jours? Dans leurs mini-jupes, et ces... ces pantalons sexy! Montrant leurs fesses fermes et leur petite taille? Quelle honte! Et mon pauvre Bill, entouré de ces filles... J'ai toujours senti qu'il avait des problèmes d'identité » continua Simone, inconsciente du visage sombre de Bushido.

« Mais c'est un peu trop pour moi. »

« Pourriez-vous développer? Des problèmes d'identité? » Bushido haussa un sourcil.

« Oui » Simone hocha la tête. « Il est un peu... et bien, il est, euh, indécis, je dirais. En fait, il découvre sa sexualité. Je pense qu'il doit être confus au niveau des genres et qu'il essaye de se conformer à l'image d'une femme, qu'il essaye de se rendre très mince pour ressembler encore plus à une fille »

Bushido toussa. « S'il a des problèmes d'identité sexuelle, êtes-vous sûre que c'est une bonne idée de l'envoyer dans une école pour garçons, Mme Kaulitz? »

Simone fronça le nez, réalisant le sous-entendu de Bushido. « En fait, Mr Ferchichi » lança-t-elle, jetant un coup d'oeil à sa plaque nominative. « Je pense que c'est une excellente idée. Comme je l'ai dit, il se cherche. Ça ne veut pas dire qu'il est... gay » Elle avait dit le mot « gay » presque imperspectiblement. « Je pense que ce serait merveilleux pour lui de passer du temps avec des garçons de son âge et de se viriliser un peu. Alors j'aimerai faire le transfert aussi tôt que possible. Les cours à Heisenberg n'ont pas encore commencé, n'est-ce pas? »

« Non, mais ils vont commencer la semaine prochaine. Là, les étudiants de première année ont déjà emménagé dans leurs dortoirs et ils passent leur temps à s'habituer au campus. Si vous voulez que Bill commence et ne se retrouve pas à la traine, alors je vais avoir besoin de son livret scolaire le plus tôt possible. »

Simone contenait difficilement sa joie. Il était temps de partir, elle se leva, accrochant son sac Prada à l'épaule tout en serrant la main de Bushido.

« Je suis impatient de voir votre fils ici, à l'Académie Heisenberg » dit séchement Bushido alors qu'il serrait la douce main de Simone dans la sienne, calleuse.

Il ne savait pas, ou se fichait, que Bill soit resté à l'extérieur de son bureau tout ce temps, entendant chaque morceau de la conversation et devenant de plus en plus en colère à chaque mot prononcé.

« 'Des problèmes de sexualité'? » pensa-t-il furieusement. « J'vais t'en montrer des problèmes d'identité sexuelle. ». A ce moment précis, un canon blond passa devant lui et Bill sourit. En réalité, il n'avait aucun problème de sexualité, il avait depuis longtemps décidé qu'il était bisexuel, et les vomissements n'étaient certainement pas dûs à la boulimie, mais à ses expériences idiotes avec la drogue.

Quelques minutes plus tard, Simone et Bushido émergeaient du bureau.

« Oh, Bill, c'est absolument formidable! » couina Simone, plantant un baiser humide sur la joue de Bill. Il grimaça et effaça sa trace de rouge à lèvre.

« Bienvenue à l'Académie Heisenberg » lui dit distraitement Bushido. Il regarda par dessus son épaule. « Hey! Andreas! Viens me voir plus tard dans la journée! Ne crois pas que je n'ai pas entendu parler de la merde que tu as foutu en Bavière cet été! » aboya-t-il au blond avant de se retourner vers Bill, haussant les sourcils à la vue du garçon. Il le fixa un instant puis ajouta, « Mr Kaulitz, vous pouvez commencer à emménager dans votre dortoir en attendant que votre demande d'inscription soit traitée et que votre uniforme soit envoyé. Des questions? »

« Ouais » Bill balança ses hanches en avant, posant une main manucurée sur celles-ci. « Où est la masseuse? »

Bushido le dévisagea un moment avant d'éclater de rire. Il continua de rire même après avoir claqué la porte de son bureau.

**

« Et bien, merde. Je pensais avoir une individuelle. »

Bill se retourna. Il venait juste de fermer à clef sa chambre, traînant ses multiples sacs Louis Vuitton derrière lui, et entra dans la chambre pour y trouver un blond assis sur un des deux lits, l'air renfrogné.

Bill voulait répondre, mais il resta bouche-bée quand il vit la taille des lits. « Ils sont minuscules! Comment pensent-ils que je vais pouvoir dormir sur ça bordel? Même quand j'étais enfant, mon lit n'était pas si petit! » siffla-t-il, ses joues rougissant de contrariété.

Le blond leva les yeux au ciel. « Bienvenue à l'Académie Heisenberg. »

**

Bill faisait de son mieux pour ne pas s'endormir alors que la prof blonde parlait de physique comme si c'était la chose la plus excitante au monde. Finalement, il posa sa tête sur sa table, se disant que c'était juste pour reposer ses yeux. Et avant qu'il ne s'en rende compte, il fut brutalement réveillé.

« Mr Kaulitz, veuillez ne pas vous endormir pendant mon cours! » dit le professeur, croisant ses minuscules bras sur son imposante poitrine, comprimant ses énormes seins dans sa robe moulante imprimé léopard. « Je ne vais pas vous punir parce que vous êtes nouveau etc, mais c'est le premier et le dernier avertissement! »

« Désolé, Mlle Karahanci » marmonna-t-il, frottant ses yeux.

Gülcan haussa les épaules, souriant encore et retourna au tableau, résumant son cours.

« Sérieux, mec, ne te tourne pas les pouces dans ce cours » le gars aux cheveux bruns assit à côté de Bill lui donna un coup de coude.

« Hmmm? » Bill avait déjà prévu de se rendormir.

« Tu sais que cet endroit porte le nom de Werner Karl Heisenberg, le plus grand physicien allemand? On a une réputation à garder, et si quelqu'un a une moyenne de physique inférieure à C, il est renvoyé. »

« Merde » siffla Bill, sortant son cahier et un stylo avant que Gülcan n'efface ce qu'elle avait écrit au tableau.

« Tu peux copier mes notes plus tard si tu veux. Je m'appelle Georg, au fait. » Georg tendit sa main. « Nouveau? »

« Bill » répondit Bill, serrant la main de Georg, soulagé de voir qu'il se faisait déjà un ami.

« Dans quel bâtiment est ta chambre? »

« Franck, je crois » Bill plissa son nez, essayant de se rappeler. « Chambre 12B. »

« Sans blague? Je suis dans le Franck, 14A. Tu vois le blond silencieux là-bas? C'est Gustav. J'partage ma chambre avec lui » Georg sourit.

« Je suis avec Andreas moi. »

« Le blond décoloré? Si c'est ton coloc, tu n'auras pas besoin de mes notes. Il est au tableau d'honneur, il a toujours des A. Un vrai léche-bottes, par contre. En plus il a des privilèges parce que, grâce à des gamins comme lui, la moyenne de l'école aux examens est ridiculeusement élevée. »

« Vraiment? »

« Ouais. Il fume en permanence, boit, et il traine toujours vers Mädchen » il remarqua le désarroi de Bill. « L'école privée pour filles de l'autre côté de la ville. Mais bon, aucun professeur s'en soucie. Mais, honnêtement, je ne comprends pas pourquoi il va à Mädchen. Y'a des tas de salopes ici. »

Bill s'étrangla avec sa bouteille d'Evian. « Pardon? »

« Je n'ai pas bafouillé. Tu te souviens de Gustav? » Georg hocha la tête en direction du blond. « C'est ma pute. »

Sur ces mots, Gustav se retourna. « Tu es ma pute, Georg. »

« V-vous êtes sérieux? » Les yeux de Bill étaient écarquillés. « Putain, je pensais que j'allais être discriminé parce que je suis gay! »

Georg rigola, la fermant rapidement quand Gülcan le regarda. Il chuchota, « C'est nimp'. On est des mecs, on a des besoins, t'vois? »

Bill hocha la tête, retournant son attention vers le tableau alors que Gustav et Georg se reluquaient.

Bienvenue à l'Académie Heisenberg, en effet.

**

Présent[i]

« Tu dois porter ton uniforme à n'importe quel moment. En général, tu n'es pas obligé de porter la cravate, mais ça fait bonne impression. Tu peux porter n’importe quelles chaussures sous le pantalon noir, mais rien d'ouvert, donc pas de sandales, pas de claquettes. Pas de casquettes non plus. » Jost, qui avait tout dit sans reprendre sa respiration se tourna pour jeter un coup d'oeil à Tom, qui le suivait mollement. « Tu vas t'y habituer, Trümper? »

« Ouais, ouais. Pas de casquettes » répéta monotonement Tom. Il n'avait aucunement l'intention de suivre [i]cette règle.

Jost aquiesça et indiqua à Tom de continuer de le suivre. David Jost était à la fois l'administrateur du bâtiment Franck, et conseiller. Il était plutôt juste et relax, se joignant occasionellement aux gars de Franck pour boire un coup et jouer aux cartes. Il était aussi méticuleux à ne pas juger quelqu'un sur la première impression et n'avait rien dit devant l'attirail de gangster de Tom.

« Ok, nous y voilà. Chambre 12A » Jost sortit une clef de sa poche et la tendit à Tom. « Garde la clef pour l'instant. On est en train de te faire une carte d'étudiant magnétique et tu devrais l'avoir vers la fin de la semaine. Tu pourras la passer dans des boitiers magnétiques et ouvrir la plupart des portes, ou au moins la porte pour entrer dans le bâtiment et celle pour entrer dans ta chambre. Là tu es chanceux, parce que tu as la seule chambre individuelle de Franck. Alors profites-en, ok? » Il sourit et tapa l'épaule de Tom. « Souviens toi, couvre feu à dix-heures. Les week-ends, c'est à 1h du matin, au cas où tu voudrais aller en ville. Aussi, pas de visiteurs après minuit. Tu es libre de quitter ton dortoir ou le bâtiment quand tu veux, mais, si c'est après le couvre feu, tu ne peux pas quitter le campus. »

« Très bien. Merci. » dit rapidement Tom, introduisant sa clef dans la serrure et dévérouillant la porte. Il observa la chambre; ce n'était pas si terrible. C'était plus grand que la chambre qu'il avait dans le minuscule appartement de Jorg, et il y avait une grande armoire, un bureau, et un lit à étage. Il traîna sa valise et son étui à guitare dans la chambre, regardant autour de lui.

« Oh, et Tom? » Jost passa sa tête dans la chambre.

« Qu'est-ce qu'il y a? »

« Et bien, tu es arrivé à l'académie à peu près deux mois apràs la rentrée. J'ai vérifié ton dossier, et quasiment aucun de tes cours ne correspondent à ceux que tu as pris cette année. À moins que tu veuilles rater le premier semestre, je te conseillerais de demander de l'aide à tes camarades. »

Tom haussa les épaules.

Jost le regarda un moment, espérant une réponse. Comme il n'en avait aucune il continua. « Heureusement pour toi, Andreas, un des meilleurs étudiants, vit juste de l'autre côté du couloir dans la 12B. Je suis sûr qu'il sera content de partager ses notes avec toi et de t'aider. »

« Très bien » dit Tom, un peu plus vigoureusement.

Jost se racla la gorge. « Oh, et tes livres d'école sont sous ton bureau. Juste pour que tu le saches. Les cours commencent à huit heures précises et finissent à trois heures. Bonne chance, Tom. »

Tom soupira de soulagement quand Jost partit enfin, et il se jeta sur le lit inférieur, les bras derrière la tête. Il se sentait en colère, en colère contre Jost pour être resté aussi longtemps alors qu'il ne pouvait plus le supporter. S'il s'ennuyait à ce moment-là et avait décidé de provoquer un peu les choses, ça faisait quoi? Il n'avait jamais fait quelque chose de vraiment extrême qui aurait ruiné la vie de quelqu'un. Juste quelques farces ici et là.

Tom grogna et roula sur le côté, se retrouvant en face du reste de la chambre et il eut une vue parfaite du bureau et des livres en-dessous de celui-ci. Il plissa les yeux. Des livres épais arborant fièrement des titres comme 'La chimie organique', 'Physique avancée', 'Mathématiques avancées' et 'L'Europe au XXE siècle' l'attendaient. Il voulait sérieusement tuer la putain de personne qui l'avait inscrite à ces cours. Il soupira, secouant la tête et sortit de son lit, se mettant à genoux au sol pour examiner les livres. Il trouva son emploi du temps et il jura en voyant que son premier cours le lendemain serait Spé Physique, suivit de littérature, puis musique. Il se sentait un peu soulagé d'avoir été inscrit en musique, jouer de la guitare était certainement la chose qu'il aimait le plus faire.

Histoire de voir, Tom sortit le livre de physique et ouvrit une page au hasard. Il fut accueilli par une page de symboles et de définitions qu'il n'avait jamais vu et dont il n'avait jamais entendu parlé. Bordel, il aurait aussi bien pu être en train de regarder un livre chinois. Il grogna, sachant qu'il allait devoir parler à cet Andreas que Jost avait mentionné. Tom n'allait absolument pas le supplier de l'aider, mais il savait qu'il ferait mieux d'avoir Andreas à ses côtés.

Il se releva et passa la porte encore ouverte, traversant le couloir pour toquer à la chambre 12B.

Aucun bruit. Quelques secondes plus tard, il y eut un « Dégagez! » étouffé.

Tom fronça les sourcils. Il serra ses articulations et toqua à nouveau.
Et à nouveau, un « Dégagez! », un peu plus fort.

« Sois pas un connard, j'ai besoin d'aide bordel! » cracha Tom. Sans réfléchir, il attrapa la poignée de porte et la tourna. La porte s'ouvrit et il fit quelques pas en avant, se figeant immédiatement à ce qu'il vit.

Deux garçons étaient enmêlés ensemble sur un lit défait; celui avec les cheveux blonds décolorés était à califourchon sur un garçon très féminin aux cheveux noirs et aux yeux sombres. Les deux étaient rouges et haletants, et les deux le fixaient avec des yeux écarquillés. Même s'ils étaient encore complètement habillés, Tom pouvait clairement voir une bosse dans leurs deux pantalons, et, encore pire, cette vue fit pulser son propre bas ventre.

« Putain! Désolé! » baffouilla-t-il, son cou se chauffant alors qu'il fermait rapidement la porte et s'appuyait contre celle-ci, un peu à court de respiration. Il glapit quand il vit un blond se tenir devant lui, le regardant d'un air amusé.

« J'aurais dû te prévenir. Ces deux-là sont des vrais lapins. Toujours en train de baiser. » Il leva les yeux au ciel. « Je suis Gustav, au fait. Chambre 14A. À plus. »

Et sur ce, il hocha la tête et retourna vers sa chambre, laissant Tom les yeux grands ouverts, se sentant vraiment, vraiment gêné.